Dans la vraie vie, l'amour entraîne des obligations, que l'on soit marié ou pas. C'est, en résumé, ce que l'avocate de Lola, Me Anne-France Goldwater a plaidé, hier en Cour d'appel, dans le cadre de son épique combat pour faire reconnaître les droits des conjoints de fait au même titre que les gens mariés.

Assis chacun de leur côté dans une majestueuse salle d'audience de la plus haute cour du Québec, Lola, la belle Brésilienne, et le richissime Éric ont écouté leurs avocats respectifs plaider pour, et contre, la reconnaissance des conjoints de fait. La décision que la Cour d'appel rendra au sujet de ce couple dont on doit garder l'identité secrète, aura une incidence sur tous les conjoints de fait du Québec. Le débat semble parti pour se rendre jusqu'en Cour suprême.

 

Séparée d'Éric après une union en dents de scie de quelques années, Lola reçoit une pension de 411 000$ par année pour les trois enfants qu'elle a eus avec ce prospère homme d'affaires québécois. Monsieur fournit aussi une très luxueuse maison et un chauffeur. Mais, officiellement, Lola ne reçoit rien pour elle. Elle aspire à une pension pour elle-même de 56 000$ par mois, et une somme forfaitaire de 50 millions.

Au Québec, en vertu du Code civil, il faut avoir été marié pour réclamer une pension alimentaire pour soi-même. Et il revient aux gens vivant en couple de décider de se marier ou pas. L'avocate de Lola, Anne-France Goldwater, trouve cette situation totalement injuste. «Il faut accorder le même respect aux conjoints de fait qu'aux gens mariés», dit-elle. Même si elle a été déboutée en Cour supérieure l'été dernier, Me Goldwater a bon espoir d'arriver à son but, car la société change, souligne-t-elle. «Des fois, c'est ça le défi. On commence avec un premier juge (Cour supérieure) on continue avec trois (Cour d'appel), puis on finit avec neuf (Cour suprême). Des fois on perd, mais les pensées et les idées évoluent», lance-t-elle en rappelant la victoire que son associée et elle ont remportée avec la reconnaissance des conjoints de même sexe.

Les juges Julie Dutil, Marc Beauregard et Lorne Giroux, ont aussi entendu les arguments de Me Guy Pratte, qui plaidait l'aspect anticonstitutionnel. Selon lui, le libre choix n'existe pas vraiment, car les gens ne connaissent pas leurs droits. «Les gens ne choisissent pas de se soustraire à un régime de protection. La preuve le démontre. Le législateur devrait être plus attentif à la réalité», a indiqué Me Pratte. Enfin, la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec a plaidé que la loi actuelle est discriminatoire. De nos jours, environ 60% des enfants naissent d'unions libres au Québec.

Le libre choix

Hier après-midi, ce sont les avocats de l'autre partie qui ont fait valoir leurs arguments. Me Benoît Belleau, représentant du Procureur général du Québec, a indiqué que la différence entre les conjoints de fait et les gens mariés relevait d'un choix politique qui n'était pas basé sur la discrimination. Le législateur a voulu laisser le libre choix aux gens. Me Pierre Bienvenu, avocat d'Éric dans le litige avec Lola, a lui aussi plaidé pour le libre choix. L'argument supposant que les gens ne sont pas au courant de leurs droits ne tient pas la route, selon lui. Le jugement de première instance, rendu par la juge Carole Hallée concluait que les conjoints de fait ne subissent pas de préjudice. «Ses conclusions s'appuient sur la preuve», a insisté Me Bienvenu. Il a aussi répété qu'il s'agissait d'une politique publique fondée sur le libre choix.

La Cour d'appel a mis le tout en délibéré.