Quelques heures après un écrasement d'avion qui a coûté la vie à quatre personnes, mercredi, Denis Boulanger serrait encore une médaille de Sainte-Anne dans sa main, en expliquant comment il a tenté de sauver la vie de deux des passagers.

Alors qu'il travaillait dans son champ, situé tout près de la seule piste d'atterrissage de la petite île, M. Boulanger a vu surgir un petit avion, qu'il avait aperçu décoller environ un quart d'heure plus tôt. Mais rapidement, l'appareil, un Cessna 172 avec quatre personnes à son bord, a piqué du nez et heurté un haut talus de terre.

Sous la force de l'impact, un des occupants a été éjecté, l'avion a fait plusieurs embardées avant de s'immobiliser et de s'embraser, a raconté M. Boulanger dans sa cuisine, en fin de soirée, encore sous l'emprise des événements qui s'étaient déroulés sous ses yeux durant l'après midi.

Deux passagers étaient coincés dans la carlingue en flammes et en arrivant près d'eux, M. Boulanger a rapidement réalisé qu'il serait incapable de les sortir de là.

«Ce n'était pas approchable», a-t-il relaté.

M. Boulanger a tenté en vain de porter secours à un autre passager, celui qui avait été éjecté et qui gisait, à une vingtaine de mètres devant les restes de l'appareil, dont seule la queue arrière demeurait reconnaissable.

«Je n'ai pas été capable de le ranimer malgré les manoeuvres de réanimation, a-t-il dit. J'ai tout fait mais il est mort dans les mains.»

Aidé par ses trois fils qui l'ont rapidement secondé, M. Boulanger est ensuite allé pratiquer les manoeuvres de réanimation sur un autre des passagers qu'ils ont réussi à sortir de sous la carcasse de l'avion enflammé.

«On l'a sorti, sinon il aurait brûlé en dessous, a-t-il confié. On l'a ranimé avec les massages cardiaques et là, il est reparti.»

M. Boulanger est ensuite resté à ses côtés en attendant les secours, lui tenant la main pendant près d'une heure.

Apercevant dans son cou une chaîne avec un pendentif représentant un crucifix, M. Boulanger, qui dit ne pas être particulièrement croyant, a interpellé l'homme qui était à demi-conscient.

«Quand j'ai vu ça, je lui ai parlé fort, pendant trois quarts d'heure, une heure», a-t-il aussi dévoilé.

Au moment où il a fait ce récit, M. Boulanger espérait pouvoir revoir le passager qu'il a secouru. Mais en fin de soirée, la Sûreté du Québec a annoncé son décès.

Trois hommes et une femme prenaient place à bord de l'appareil, qui était parti de Québec. La SQ n'a pas été en mesure de préciser si l'avion s'était posé sur l'île avant l'accident.

Le Bureau de la sécurité dans les transports (BST) a été avisé et des policiers de la SQ ont été envoyés sur la petite île de 164 âmes, en face de Montmagny, 80 km à l'est de Québec.

Deux agents gardaient encore les lieux de l'accident, vers 21h, mercredi soir, et une équipe d'enquêteurs de l'identité judiciaire était attendue en fin de soirée. Les corps des deux passagers qui n'ont pu être secourus se trouvaient encore dans les débris de l'avion.

En fin de soirée mercredi, les causes de l'accident demeuraient inconnues.

M. Boulanger, qui habite l'Isle-aux-Grues depuis 40 ans, a plusieurs fois été témoins d'incidents du genre. Or, sa réaction, mercredi, a été la même que lors de la toute première expérience. Elle pourrait se résumer en un mot : traumatisante.

«Je ne souhaite ça à personne, a-t-il admis. Ça fait quelques fois que je vois ça et c'est toujours pareil : il ne faut pas que tu «pognes les nerfs'. Il y avait beaucoup d'ouvrage. Ils étaient quatre.»

Toujours debout dans la cuisine de sa résidence, M. Boulanger, qui exploite une ferme laitière, a conclu son récit en extirpant de sa poche de pantalon une poignée de pièces de monnaie, mélangées avec des boulons. Il en a sorti sa médaille de Sainte-Anne, comme seule explication de ce qu'il espérait alors être une fin heureuse pour le passager qu'il a accompagné pendant de longues minutes.

«Je ne suis pas plus pratiquant que la chatte», a-t-il imagé, comme pour se défendre d'avoir cru pendant quelques instants qu'un miracle serait possible.