Même si ses gardes du corps viennent d'être envoyés derrière les barreaux pour les trois prochains mois, Ducarme Joseph ne bénéficiera pas de leur protection en prison. Dépeint par la police comme le gangster le plus dangereux de Montréal à l'heure actuelle, Joseph a récemment été transféré au centre de détention de Rimouski, dans le Bas-Saint-Laurent, où il est isolé des autres détenus, a appris La Presse.

Cet ancien chef du gang des 67 a échappé à un attentat qui a fait deux morts et deux blessés dans sa boutique de vêtements du Vieux-Montréal le mois dernier. Arrêté au lendemain de la fusillade, l'homme de 41 ans purge actuellement une peine d'un an d'emprisonnement pour une affaire de voies de fait armées survenue dans un restaurant chic du centre-ville l'été dernier.

Joseph est seul dans un secteur réservé aux «cas particuliers» qui peut accueillir quatre détenus. Il n'a aucun contact avec les autres hommes incarcérés. Il n'a pas accès aux lieux communs comme le gymnase, selon nos informations.

Il est possible que le gangster ait été envoyé très loin de Montréal pour sa propre sécurité. Joseph s'est fait beaucoup d'ennemis en 25 ans de carrière criminelle. Dans les heures suivant la fusillade, il aurait rencontré un tueur à gages du quartier Saint-Michel pour préparer sa vengeance, selon la police. Pendant ce temps, un gang rival associé à la mafia italienne se réunissait dans un bar de danseuses du centre-ville, le Temptation. Craignant que cet établissement ne devienne le théâtre d'une riposte, les autorités ont fermé d'urgence l'établissement il y a deux semaines.

Après leur chef, c'était au tour des gardes du corps de Joseph, Dutroy Charlotin, 31 ans, et Stevenson Fleurant, 30 ans, de plaider coupable, hier, à une affaire de voies de fait armées survenues au restaurant Buenanotte, sur le boulevard Saint-Laurent. Joseph avait reconnu sa culpabilité dans cette affaire le 12 avril dernier.

Vers 1h30 le matin le 19 septembre dernier, Joseph buvait du champagne avec ses gardes du corps Peter Christopoulos (tué lors de la fusillade), Osborn Anthony (une tentative de meurtre l'a laissé paraplégique), Charlotin et Fleurant lorsqu'un conflit a éclaté avec un client du bar.

Un portier du restaurant est alors intervenu pour calmer le jeu. Joseph s'est fâché et a vidé le contenu de sa bouteille de champagne sur le plancher. Ses lieutenants et lui-même ont tourné leur colère contre le portier. Ils l'ont poursuivi jusque dans les cuisines en lui lançant tout ce qu'ils avaient sous la main, dont le contenu d'assiettes de clients. Joseph s'est emparé d'un poteau de métal pour frapper la victime. La scène a été captée par des caméras de surveillance. Ni le portier ni le gérant du restaurant n'ont voulu porter plainte. Au lendemain de l'incident, les gardes du corps sont retournés sur place pour intimider le gérant. Des enquêteurs du groupe Éclipse, chargés de lutter contre les gangs de rue, ont récupéré les images vidéo avant d'arrêter Joseph et ses gardes du corps. Ces derniers ont ensuite été mis en liberté en attente de leur procès.

Prison et probation

Les gardes du corps ont écopé d'une peine de six mois d'emprisonnement suivie d'une probation de douze mois, hier. Comme leur temps passé en détention préventive compte en double, il leur reste trois mois et demi à purger.

La procureure de la Couronne, Me Anne-Marie Otis, aurait voulu que les deux hommes cessent de travailler ensemble au garage MG Tech Auto de Montréal-Nord durant leur probation. «Selon nos informations provenant de renseignements policiers, il est établi que certains commerces comme des salons de coiffure et des garages sont utilisés par des groupes criminels comme prête-noms pour exercer leurs activités illicites», a expliqué Me Otis, qui n'avait pas de preuve à offrir concernant ce garage précis.

Cette suggestion a fait bondir l'avocat de défense, Me Gary Martin. «Est-ce que des bandits fréquentent votre garage?» a demandé l'avocat à ses clients. «Non», ont-ils répondu en choeur, debout dans le box des accusés. Le juge Jean-Pierre Boyer a coupé la poire en deux en leur permettant d'y travailler tout en les obligeant à quitter les lieux après les heures ouvrables.

Joseph et ses gardes du corps n'ont plus le droit de fréquenter une série de bars et restaurants du centre-ville, où ils sont soupçonnés d'avoir fait la pluie et le beau temps l'été dernier, dont l'hôtel W, le Buonanotte et le Globe. Ils ne peuvent plus posséder d'armes à feu, non plus.

Ducarme Joseph