Après leur chef, c'était au tour des gardes du corps de Ducarme Joseph de plaider coupable ce matin au palais de justice de Montréal à une affaire de voies de fait armées survenues au restaurant Buena Notte sur le boulevard Saint-Laurent.

Dutroy Charlotin, 31 ans, et Stevenson Fleurant, 30 ans, ont écopé d'une peine de six mois d'emprisonnement suivie d'une probation de 12 mois. Comme leur temps passé en détention préventive compte double, il leur reste trois mois et demi à purger.

La procureure de la Couronne, Me Anne-Marie Otis, aurait voulu que les deux hommes cessent de travailler ensemble dans un garage de Montréal-Nord. L'avocate a ainsi demandé au juge Jean-Pierre Boyer de leur imposer cette condition particulière durant leur probation à leur sortie de prison. «Selon nos informations provenant de renseignements policiers, il est établi que certains commerces comme des salons de coiffure et des garages sont utilisés par des groupes criminels comme prête-noms pour exercer leurs activités illicites», a expliqué Me Otis qui n'avait pas de preuve à offrir pour cette entreprise en particulier.

Cette suggestion a fait bondir l'avocat de défense, Me Gary Martin. «Est-ce que des bandits fréquentent votre garage?», a demandé Me Martin à ses clients en se tournant vers ces derniers, debout dans le box des accusés. «Non», ont-ils répondu en coeur. L'avocat s'est ensuite mis à badiner en soulignant que certains garagistes sont des voleurs, mais qu'on ne peut pas dire que tous les garages sont remplis de bandits.

Le juge Boyer a tranché la poire en deux en leur permettant de travailler au MG Tech Auto de Montréal-Nord, mais en les obligeant à quitter les lieux après les heures ouvrables.

Les deux hommes n'auront plus le droit de fréquenter une série de bars et restaurants du centre-ville où ils sont soupçonnés d'avoir fait la pluie et le beau temps l'été dernier, dont l'hôtel W, le Buena Notte et le Globe. Ils ne peuvent plus posséder d'armes à feu pour une période de dix ans.

Leur chef, Ducarme Joseph a été le premier à plaider coupable dans cette affaire le 12 avril dernier. Décrit par la police comme l'homme le plus dangereux dans le milieu des gangs de rue à l'heure actuelle, il a écopé d'un an de prison.

Joseph est cet ancien chef du gang des 67 qui a échappé à un attentat qui a fait deux morts et deux blessés dans sa boutique de vêtements du Vieux-Montréal le mois dernier. Aucun suspect n'a encore été arrêté dans cette affaire, bien que des bandes vidéo de suspects ont été dévoilées par la police.

Vers 1h30 le matin le 19 septembre dernier, Joseph buvait du champagne avec ses gardes du corps Peter Christopoulos (tué lors de la fusillade), Osborn Anthony (une tentative de meurtre l'a laissé paraplégique), Charlotin et Fleurant lorsqu'un conflit a éclaté avec un client du bar.

Un portier du restaurant est alors intervenu pour calmer le jeu. Joseph s'est fâché et a vidé le contenu de sa bouteille de champagne sur le plancher. Ses lieutenants et lui-même ont tourné leur colère contre le portier. Ils l'ont poursuivi jusque dans les cuisines en lui lançant tout ce qu'ils avaient sous la main, dont le contenu d'assiettes de clients. Joseph s'est emparé d'un poteau de métal pour frapper la victime. La scène a été captée par des caméras de surveillance.

Ni le portier ni le gérant du restaurant n'ont voulu porter plainte. Au lendemain de l'incident, les gardes du corps sont retournés sur place pour intimider le gérant, selon un document déposé en cour. Des enquêteurs du groupe Éclipse, chargés de lutter contre les gangs de rue, ont eu vent de l'affaire deux semaines plus tard. Ils ont récupéré les images des caméras de surveillance avant d'arrêter Joseph et ses gardes du corps. Ils avaient ensuite été remis en liberté en attente de leur procès sous plusieurs conditions.

Au lendemain de l'attentat raté du Vieux-Montréal, Joseph a été arrêté en compagnie de Charlotin et Fleurant, alors qu'ils n'avaient pas le droit d'être ensemble. Quant à Osborn Anthony, il doit revenir en cour le 18 mai. Aussi victime d'une tentative de meurtre, il est aujourd'hui confiné à un fauteuil roulant.