Des dizaines d'hommes ayant été victimes d'abus sexuels ont pris part à une manifestation dans les rues de Montréal samedi afin de réclamer des gouvernements fédéral et provincial un soutien accru.

Selon Alain Jobidon, organisateur de l'événement, les ressources financières et humaines pour les hommes victimes d'abus sexuels sont nettement insuffisantes.

Alors que les femmes peuvent se tourner vers de nombreux établissements du genre au Québec, il n'en existe qu'un seul pour les hommes dans l'ensemble de la province.

«Les hommes ne parlent pas de leur abus sexuel», note M. Jobidon, directeur exécutif du Centre de ressources et d'intervention pour hommes abusés sexuellement dans leur enfance (CRIPHASE).

«Pour un homme, le fait de parler de ses agressions sexuelles, c'est une perte de son identité masculine. Il a peur d'être vu comme un «loser », comme quelqu'un de faible», ajoute-t-il.

Outre une amélioration des ressources financières, M. Jobidon demande des sentences plus sévères à l'endroit des pédophiles. L'organisme exige aussi que le gouvernement du Québec élimine la disposition qui limite à trois ans le délai pour poursuivre un agresseur.

Selon CRIPHASE, au moins un homme sur six est victime d'abus sexuels.

«C'est un saccage complet de l'identité de la personne», décrit M. Jobidon, lui-même victime d'abus sexuels dans sa jeunesse.

«Nous avons des difficultés dans nos relations interpersonnelles. Aussi, ça amène des questionnements sur ton orientation sexuelle et un paquet de problématiques pour les hommes.»

Lors du rassemblement, samedi, de nombreux manifestants ont brandi des pancartes critiquant la gestion de récents scandales de la part de l'Église catholique. Des religieuses ont même pris part à l'événement afin de montrer leur soutien aux victimes.

L'une d'elles, soeur Marie-Elle Boileau, a critiqué le comportement des communautés religieuses dans ce dossier.

«Ce qui me fait souffrir, c'est de voir que des prêtres ont posé de mauvais gestes et que les communautés, au lieu d'aider les agressés, ont caché les prêtres et fait comme si rien ne s'était passé. L'Église devrait avoir le courage d'organiser quelque chose pour payer des thérapies aux gens qui en ont besoin», a-t-elle suggéré.

L'événement a également réuni des membres des Orphelins de Duplessis, victimes d'abus dans les orphelinats et établissements psychiatriques du Québec durant les années 40 et 50.

Du nombre, le docteur Réal Cloutier a encore d'énormes difficultés à effacer les cauchemars et les ravages psychologiques associés à de tels gestes.

Son problème, c'est que personne ne le croyait lorsqu'il essayait de parler des gestes abusifs dont il a été victime.

Il a donc décidé de garder le silence pendant plus de 40 ans. Toutes ces décennies de mutisme sont devenues intolérables: un jour, il a mis une arme à feu dans sa bouche, mais a été incapable d'appuyer sur la détente.

«C'est devenu insupportable, a témoigné le sexagénaire. J'en perds la tête.»

Refoulant les sanglots, le docteur Cloutier a relaté comment il a forcé son épouse à se faire avorter parce qu'il craignait de faire subir à ses enfants les mêmes crimes dont il avait été victime.

«J'ai sacrifié les joies de fonder une famille», a-t-il confié.