Un an après l'opération SharQc qui a porté un dur coup aux Hells Angels et à leurs associés au Québec, le début des procès des 135 accusés semble encore loin, si l'on se fie à l'audience préliminaire tenue hier, au centre judiciaire Gouin.

Un seul coup d'oeil jeté à l'intérieur de ce palais de justice hautement sécurisé du nord de Montréal donnait un aperçu, hier, de l'ampleur des défis logistiques qu'entraîne la plus grande opération policière anticrime organisé de l'histoire canadienne, qui se transporte maintenant devant les tribunaux.

Au moment de l'audience, une centaine de prévenus étaient répartis dans cinq box des accusés situés dans deux salles différentes. Quelques-uns ont plutôt comparu par vidéoconférence puisque les accusés sont incarcérés dans cinq centres de détention à Montréal et à Québec.

Une cinquantaine d'avocats de la défense, une douzaine de procureurs de la Couronne et au moins autant d'enquêteurs occupaient tous les sièges disponibles de l'une des salles. Certains avocats ont même dû rester debout. Une quarantaine de membres du public et des représentants des médias étaient installés dans le fond de la salle.

Alors qu'on pensait connaître les dates des futurs procès, hier, le juge James Brunton de la Cour supérieure a plutôt annoncé qu'il voulait consulter plus longuement les avocats et leurs clients sur la question les 28 et 29 juin prochains.

Le magistrat a une seule certitude jusqu'à présent. «C'est sûr et certain qu'on ne peut pas tenir un seul procès. Il y a trop d'accusés», a-t-il indiqué. Il veut entre autres savoir si les accusés préfèrent avoir un procès devant jury ou devant juge seul.

Le juge Brunton veut également savoir si les accusés se sentent prêts à avoir leur procès, puisque la poursuite a déposé un acte d'accusation direct. Cela a pour effet d'éliminer l'étape de l'enquête préliminaire pour aller directement au procès. La défense a déjà manifesté son intention de contester cette façon de procéder de la Couronne. L'un des accusés a pris la parole, hier, pour expliquer qu'il avait eu le temps de passer seulement à travers le tiers de la volumineuse preuve jusqu'à présent.

Une série de requêtes préliminaires seront ainsi débattues à l'été et à l'automne. Certains détenus exigent des procès séparés. «Il n'y a jamais eu un aussi gros dossier au Canada. Ça demande des arrangements particuliers. On est prêts. On a le personnel et l'énergie pour le faire», a résumé Me Madeleine Giauque, procureure de la Couronne.

La Couronne est tout de même optimiste qu'un premier procès puisse débuter en janvier prochain. «On avance à un bon rythme compte tenu du nombre d'accusés», a ajouté la procureure d'expérience.

Certains avocats de la défense ne croient pas que les procès commenceront si tôt. «On n'a aucun échéancier à l'heure actuelle. Si vous voulez mon opinion, on parle plus d'années que de mois», a souligné Me Patrick Davis aux médias présents. «On souhaite que ça se fasse le plus rapidement possible», a ajouté son collègue, Me Pierre Panaccio.

La Couronne a suggéré en janvier dernier à un autre juge de la Cour supérieure, le magistrat André Vincent, sa préférence pour la tenue de trois procès. Le premier pour les affaires de meurtre, le second pour les complots de meurtre et le dernier concernant le trafic de drogue.

Selon la thèse de la Couronne, tous ces crimes ont été commis dans le but de prendre le contrôle du trafic de drogue en éliminant les Rock Machine/Bandidos.

Cette guerre, qui a duré sept ans, de 1994 à 2002, a fait plus de 160 morts dans les deux camps.

Pour l'instant, 135 accusés se retrouvent dans un seul et même acte d'accusation les impliquant dans l'action commune d'avoir participé à des activités criminelles pour le compte des Hells Angels. Seulement une minorité (neuf) ont été mis en liberté en attendant leur procès. Une vingtaine d'autres sont toujours recherchés par la police, dont Normand «Casper» Ouimet.