La Ville de Montréal a remporté une victoire importante à la Cour suprême du Canada jeudi matin contre le Port de Montréal et Radio-Canada dans un dossier de taxation municipale.

La décision des neuf juges du plus haut tribunal du pays risquait non seulement d'engendrer des pertes de revenu importantes à la Ville de Montréal, mais celle-ci craignait également qu'une décision défavorable ne fasse boule de neige et incite d'autres sociétés d'État à imiter le port et le diffuseur public dans d'autres municipalités à travers le pays.

Selon des évaluations faites par son service des finances au moment de porter la cause en appel, la Ville évaluait ses pertes à un minimum de 21 millions de dollars pour les exercices financiers de 2005 à 2008 si la Cour suprême donnait raison à Ottawa.

Le litige portait sur le calcul des paiements versés par les sociétés d'État fédérales aux villes en remplacement des impôts fonciers. En vertu de la Constitution, le gouvernement fédéral dispose d'une immunité fiscale : il ne peut être forcé par une municipalité à payer des impôts fonciers.

Ottawa a par contre a adopté une loi visant à dédommager les villes pour cette perte de revenus, la Loi sur les paiements versés en remplacement d'impôt (LPRI).

À la suite des fusions municipales, en 2003, un nouvel impôt foncier a été instauré à Montréal, que le Port et Radio-Canada ont refusé de payer. Ils ont plutôt proposé un autre calcul, qu'elles estimaient approprié.

La Ville de Montréal a contesté cette décision, sur la base que ce calcul avait été fait de manière discrétionnaire et ne respectait pas les balises imposées par la LPRI.

Après une décision favorable à la Cour fédérale et une décision défavorable à la Cour d'appel fédérale, la Cour suprême lui a donné raison à 9h45 ce matin, disant que le Port de Montréal et la Société Radio-Canada avaient pris leur décision en se basant sur un calcul erroné.

La Ville de Montréal et ses avocats ont réservé leurs commentaires pendant qu'ils étudient le jugement et ses impacts financiers. On ignore pour l'instant la réaction d'Ottawa et les conséquences qu'aura la décision sur ses propres calculs de dédommagements fiscaux.Stéphane Émard-Chabot, qui représentait la Fédération canadienne des municipalités à la Cour suprême, a affirmé que de plus en plus de sociétés d'État y allaient de leur propre calcul fiscal au cours des dernières années à l'échelle canadienne.  

«Le message de la Cour suprême est très clair. Ce genre de décision arbitraire n'est pas acceptable», a noté le professeur de droit à l'Université d'Ottawa. Selon lui, ces sociétés d'État n'auront « pas le choix » de revoir leurs manières de faire pour se conformer à la décision de la Cour.  

Inversement, les municipalités canadiennes l'ont échappé belle jeudi matin, croit M. Émard-Chabot. «Une décision inverse aurait défait 60 ans de dialogue entre le fédéral et les municipalités. Ça aurait enlevé toute la question de prévisibilité qui est nécessaire pour les finances des municipalités», a-t-il expliqué.

 

«La décision de la Cour suprême vient renforcer ces principes-là et vient permettre aux 1300 villes canadiennes qui reçoivent des paiements en remplacement d'impôts de prévoir à plus long terme et avec stabilité les montants qui vont être versés par les entités fédérales.»

Un porte-parole du Port de Montréal s'est dit «très déçu» du jugement, «surtout après la décision de la Cour d'appel fédérale qui avait pris en compte nos arguments».