Recyclé dans le narcotrafic de haut vol impliquant les Hells Angels, l'ex-propriétaire d'un petit laboratoire de photo de la rue Jean-Talon sortira de prison plus de deux ans avant la fin de sa peine.

Condamné à 9 ans de pénitencier, Attilio Martinez a obtenu sa libération conditionnelle, hier, après avoir passé seulement 13 mois dans un pénitencier fédéral. S'il est sorti si vite, c'est qu'il était resté 33 mois en détention préventive - ce qui compte double dans l'évaluation de la peine - avant d'être condamné à une peine «officielle » de 42 mois, le 16 février 2009. Dans les faits, il est incarcéré depuis le 11 mai 2006.

Avant d'être complètement libre et de pouvoir regagner son foyer, à Kirkland, Martinez, 48 ans, devra séjourner six mois dans une maison de transition. «C'est la première fois que vous êtes condamné, et il apparaît que le simple effet dissuasif de l'incarcération a définitivement changé votre façon de penser », ont déclaré les commissaires. Ils ont toutefois déploré que Martinez n'ait pu suivre de programme de réhabilitation durant son court séjour en prison. La raison : il ne répondait pas aux critères du cours.

À en croire les commissaires, le programme AFA (pour attitude, fréquence et alternative) - s'adresse en premier lieu «aux délinquants dont la criminalité est bien ancrée ». Il est destiné à améliorer les valeurs sociales et morales des détenus. «Si une personne comme lui (en parlant de Martinez) ne peut suivre ce cours, je me demande pour qui il est utile », a commenté le commissaire René Dutil.

Comme s'il voulait envoyer un message, le représentant de la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC) a demandé tout haut si le manque de personnel a pu inciter le Service correctionnel canadien (SCC) à élever les critères d'admissibilité à ce programme, qu'il juge important pour évaluer le cheminement des narcotrafiquants en prison.

Arrivé au Canada avec ses parents à l'âge de 11 ans, Martinez soutient avoir mené une vie tout ce qu'il y a de plus normale jusqu'à ce qu'il connaisse des difficultés financières avec son commerce de la rue Jean-Talon, Photo-Rapide. Son beau-père, Yvan Cech, qui menait grand train en Slovaquie et en République dominicaine, lui aurait alors proposé, pour l'aider, de collecter de l'argent pour lui au Québec. «Au début, je croyais que c'étaient des pierres précieuses. À voir les sommes que je collectais et que je comptabilisais, je me suis vite aperçu que c'était plus que ça », a-t-il dit devant la CNLC.

En réalité, Cech était à la tête d'une vaste organisation qui importait de la cocaïne colombienne par centaines de kilogrammes cachés dans des lingots d'aluminium usinés exprès au Venezuela. La drogue était envoyée par bateau, puis entreposée à Québec avant d'être revendue aux Hells Angels. Pour sa part, outre quelques livraisons de cocaïne, Martinez était surtout chargé de collecter l'argent de quatre grands clients sous la coupe des motards, à Montréal, Lafontaine, Sainte-Sophie et Sherbrooke. Lors d'une perquisition à son domicile, en avril 2005, la police avait saisi 761 000 $ en devises américaines et canadiennes.

Comme il a de bons parents et un jeune fils de 5 ans qu'il lui tarde de bien connaître, un passé sans reproche et un profil de «détenu modèle », la CNLC a estimé que Martinez a tous les gages de réinsertion sociale. Une fois en maison de transition, ce dernier entend se trouver un emploi et suivre une formation spécialisée en réfrigération.