Un trafiquant de drogue qui s'est fait pincer avec 60 roches de crack dans sa voiture a été acquitté récemment parce que les policiers l'avaient interpellé sans motif valable.

Le juge de la Cour du Québec Salvatore Mascia a estimé que le témoignage «clair et candide» de Marc Vinet, le trafiquant en question, était plus crédible que celui des policiers, qui comportait des contradictions et des oublis. Les policiers affirmaient avoir interpellé Vinet, cette fameuse nuit du 18 février 2008, parce qu'il avait omis d'actionner son clignotant avant de tourner à droite dans la rue Provencher, à Saint-Léonard. Vinet, qui reconnaît vendre des stupéfiants, a assuré au juge qu'il était absolument certain d'avoir actionné son clignotant. Il venait de conclure une transaction de drogue une vingtaine de minutes auparavant et savait qu'une voiture de police se trouvait juste derrière lui; il était donc très attentif au Code de la sécurité routière, a-t-il expliqué.

Droits fondamentaux

Dans cette affaire, Me Gilbert Frigon, avocat de Vinet, avait demandé au juge d'exclure la preuve trouvée dans la voiture par les policiers (60 roches de crack, 3g de mari, 1500$ en argent et deux téléphones portables) au motif que ces derniers avaient porté atteinte aux droits fondamentaux de son client. Il a soutenu que les policiers n'avaient pas de motif pour interpeller M. Vinet, pas plus qu'ils n'en avaient pour fouiller le sac qui se trouvait dans le véhicule. Les agents étaient affectés à l'escouade antidrogue et anti-gangs de rue, mais dans un secteur autre que celui où ils ont interpellé Vinet. Ils n'ont d'ailleurs pas réussi à expliquer ce qu'ils faisaient hors de leur secteur.

Il appert que tout a commencé lorsque M. Vinet a voulu céder le passage à un véhicule de police qui s'apprêtait à faire demi-tour dans une rue de Saint-Léonard. Les policiers ont préféré laisser passer Vinet puis l'ont suivi avant de l'arrêter après qu'il eut tourné à droite à un feu qui venait de passer au vert.

Version des policiers

Les policiers ont affirmé que, après avoir été interpellé, le conducteur s'était penché de façon exagérée vers le siège du passager pour prendre ses documents dans la boîte à gants. Un des policiers a donc éclairé l'intérieur du véhicule avec sa lampe de poche et a vu la sangle d'un sac dépasser de sous le siège du passager. Questionné à ce sujet, Vinet aurait tendu le sac en disant qu'il ne lui appartenait pas. Le sac contenait le crack, si bien que Vinet a été arrêté.

Les policiers ont le droit d'interpeller des conducteurs au hasard, mais ils doivent avoir un motif précis lié au Code de la sécurité routière, rappelle le juge Mascia. En l'occurrence, le magistrat est d'avis que l'omission d'actionner le clignotant était un prétexte et que les policiers avaient un motif oblique. «L'intention réelle des agents était de se servir des pouvoirs conférés à un agent de la paix en vertu du Code de la sécurité routière pour recueillir des preuves liées à la possession de drogues illicites.»

Dans le même esprit, le juge conclut que la fouille du sac était illégale, car les policiers étaient à la recherche d'éléments de preuve quand ils l'ont trouvé.

Et Vinet, qui a cru qu'il n'avait pas le choix de leur remettre le sac, est devenu une extension du bras du policier. «Il n'existe pas de pouvoir général permettant la fouille sans mandat d'un véhicule», note le juge.

Marc Vinet arborait un large sourire au terme de cette audience.