Martin Rondeau, qui a battu à mort une frêle religieuse de 80 ans lors d'une crise d'épilepsie nocturne, en août 2007, constitue un cas unique pour la science comme pour la justice. C'est pourquoi les deux avancent avec précaution, la première pour le soigner, la seconde pour le réintégrer dans la société.

C'est ce qui se dégage de l'audience qui a eu lieu hier au sujet de Rondeau, 33 ans. Comme il l'avait annoncé, le juge Guy Cournoyer a rendu un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux. L'homme était accusé du meurtre non prémédité de soeur Estelle Lauzon, survenu dans la Maison Saint-Vincent, une ressource pour hommes psychiatrisés en voie de réinsertion sociale, qu'elle dirigeait. Il reste maintenant à savoir ce qu'on fait de Rondeau, apparemment très gentil quand il est éveillé, mais qui peut devenir très agressif quand surviennent ses crises d'épilepsie nocturne.«Habituellement, c'est quand ils sont réveillés que les gens sont dangereux. Avec Rondeau, c'est le contraire», a fait valoir le procureur Louis Bouthillier, qui est d'accord avec une mise en liberté bien encadrée. Me Annie Émond, avocate de Rondeau, aurait voulu que son client recouvre la liberté dès hier. Le juge Cournoyer a préféré mettre le tout en délibéré et rendra sa décision mardi prochain. Il a déjà annoncé qu'il libérera le jeune homme, mais il veut encadrer cette liberté pour assurer la sécurité des gens autour de lui. Quand Rondeau est en crise, il ne faut pas l'approcher ni surtout le toucher. On croit que c'est ce qu'a fait soeur Lauzon, le matin fatidique.

Pas méchant

Rondeau a lui-même témoigné hier. «Je ne suis pas méchant, je suis attristé par la mort de soeur Lauzon», a-t-il expliqué. Il s'est dit prêt à s'astreindre à toutes sortes de mécanismes de surveillance et se prêtera volontiers à des tests pour vérifier qu'il prend bien ses médicaments et ne consomme ni drogue ni alcool. Il dormira toujours seul dans sa chambre, a-t-il assuré.

Ses parents proposent de l'héberger dans leur chalet de Chertsey, où il aurait une chambre munie d'un loquet. Un système de sécurité est déjà en place, et il est relié au poste de police, a expliqué sa mère, France Poirier. Elle a parlé avec émotion des difficultés qu'a vécues son fils avant d'être diagnostiqué maniaco-dépressif, en 2005. Il avait fait trois tentatives de suicide et erré sans domicile fixe par périodes.

L'épilepsie nocturne serait apparue pour la première fois en décembre 2006. Quand le drame avec la religieuse est survenu en août 2007, Rondeau n'avait pas pris ses médicaments depuis une quinzaine de jours parce qu'il n'avait pas pu faire renouveler son ordonnance.

Depuis quatre mois, Rondeau prend de nouveaux médicaments, ceux-là pour l'épilepsie, et ils semblent bien maîtriser ses crises. Mais pour s'assurer que le médicament fait vraiment effet, il faut attendre au moins un an, a expliqué hier le neurologue Patrick Cossette.

Les religieuses de la Providence ont pardonné à Rondeau. Mais le drame a entraîné la fermeture de la ressource. «On a essayé de remplacer soeur Lauzon par une autre religieuse, mais ça n'a pas marché. Elle avait peur. On a dû fermer», a expliqué hier la directrice des soeurs de la Providence, soeur Pauline Massicotte.