Les membres de l'escouade Marteau ont fait une visite-surprise hier dans cinq entreprises de construction de la région montréalaise. L'opération visait à vérifier des allégations de collusion et d'intimidation concernant un contrat accordé par la municipalité de Boisbriand, au nord de Montréal.

Les enquêteurs se sont présentés chez Simard-Beaudry Construction, à Laval, et chez Construction Frank Catania, à Brossard. Selon nos sources, les sièges sociaux d'Opron, à Boucherville, de Norclair, à Laval, et de Gastier, à Anjou, ont également été visités.

Les policiers cherchaient à confirmer des renseignements concernant le contrat de construction de l'usine d'épuration des eaux de Boisbriand. Ce contrat, d'une valeur de 28 millions de dollars, avait été confié en 2007 à Infrabec, entreprise appartenant à Lino Zambito. Il avait été le seul soumissionnaire.

Les cinq entreprises visitées hier s'étaient toutes montrées intéressées par le contrat, selon nos sources. La Sûreté du Québec (SQ) cherchait à savoir pourquoi elles s'étaient finalement désistées au moment de l'appel d'offres.

«L'opération est destinée à examiner des irrégularités et des infractions dans l'attribution de contrats, mais aussi des actes de collusion et d'intimidation», a précisé la sergente Martine Isabelle, porte-parole de la SQ.

Neuf témoins ont été interrogés, mais personne n'a été arrêté. Les enquêteurs cherchaient seulement à obtenir des déclarations pour étoffer leur preuve. Selon nos sources, ils ne détenaient aucun mandat de perquisition.

L'opération constituait la deuxième phase du projet Fiche, qui s'inscrit dans le cadre de l'opération Marteau, mise sur pied en octobre pour lutter contre la corruption et la malversation dans le monde de la construction. Elle réunit des policiers de la SQ, de Montréal, de Longueuil et de Laval.

Dans la première phase du projet Fiche, au mois de décembre, les enquêteurs avaient perquisitionné dans les locaux d'Infrabec et à l'hôtel de ville de Boisbriand.

Rappelons que l'ancienne mairesse de Boisbriand, Sylvie St-Jean, a été mise en cause l'automne dernier dans un reportage de l'émission Enquête de Radio-Canada. On y révélait que Lino Zambito, qui a obtenu de nombreux contrats de la municipalité, avait manoeuvré pour éviter qu'il y ait des élections municipales.

Le 1er novembre, la mairesse St-Jean a finalement été battue par Marlène Cordato, l'une des conseillères qui avaient dénoncé la situation.

Accurso et Catania

Certaines entreprises visitées hier ont fait les manchettes dans les derniers mois. Simard-Beaudry, qui appartient à l'homme d'affaires Tony Accurso, faisait partie du consortium qui avait obtenu le fameux contrat des compteurs d'eau de la Ville de Montréal. Ce contrat a finalement été annulé parce qu'il était entaché d'irrégularités.

Construction Frank Catania était pour sa part le promoteur du projet immobilier Faubourg Contrecoeur, dans l'est de Montréal. Les irrégularités dans le dossier ont mené au congédiement de Martial Fillion, directeur général de la Société d'habitation et de développement de Montréal.

Des résultats «nuls»

Malgré cette nouvelle opération, le Parti québécois s'est montré fort critique hier envers les résultats de l'escouade Marteau. Il a une fois de plus réclamé la tenue d'une enquête publique sur l'industrie de la construction.

«Les résultats sont à peu près nuls», a lancé Bertrand St-Arnaud, critique de l'opposition officielle en matière de sécurité publique, en marge d'une réunion des députés péquistes à Orford. «Y aura-t-il un jour des accusations?»

«Que veut faire le gouvernement? a-t-il poursuivi. Veut-il se contenter de quelques accusations éventuelles, ou veut-il plutôt démonter tout un système? Si on veut démonter tout un système, pièce par pièce, ça prend une commission d'enquête publique.»