Une partie de pêche sur la glace a tourné au drame, dimanche soir, lorsqu'un père et son fils en motoneige ont sombré dans les eaux glaciales du lac des Deux-Montagnes, au large de l'île Bizard.

Les plongeurs de la Sûreté du Québec ont repêché lundi après-midi le corps du fils, âgé de 13 ans. Les recherches pour retrouver son père se sont interrompues à la tombée de la nuit et devraient reprendre mardi.

Avant le drame, Roman Jukovitsky, 38 ans, pêchait sur la glace avec son fils Daniel et deux amis. Le père est parti avec son fils pour le ramener à la maison et devait ensuite revenir chercher ses amis. Le père et le fils n'ont jamais atteint la rive. «D'habitude, ça prend environ 20 minutes pour traverser le lac. Les amis ont donc alerté les policiers après avoir été sans nouvelles du motoneigiste durant une heure», a expliqué le sergent Marc Leduc, du Service de police régional de Deux-Montagnes.

Les policiers ont aussi reçu un appel d'urgence d'un riverain qui affirmait avoir aperçu une motoneige couler sous la glace autour de 18h30. Pour une raison inconnue, le citoyen n'a alerté les autorités que vers 21h.

Son témoignage aura aidé les policiers à trouver l'endroit où la motoneige aurait coulé. La glace est mince dans ce secteur et un grand point d'eau non gelé se trouve à proximité.

En plus des recherches menées lundi par la police de Deux-Montagnes, des policiers montréalais et un hélicoptère de la Sûreté du Québec avaient aussi été mis à contribution la veille.

On ignore si les motoneigistes roulaient sur la piste balisée qui traverse le lac ou s'ils se sont aventurés dans un endroit où la glace, trop mince, aurait fini par céder.

Près de la rive de Deux-Montagnes, la glace est suffisamment épaisse : les voitures y circulaient sans danger autour de quelques cabanes de pêche. Les habitués savent que la glace est mince du côté de Montréal à cause des forts courants du secteur des rapides du Cheval blanc, près du traversier qui relie L'Île-Bizard à Laval.

Ces amateurs de surf-cerf-volant n'oseraient jamais s'aventurer sur cette partie du lac. «Ça fait six ans que je viens ici, et je sais que cette partie-ci est un lac mais que, de l'autre côté, c'est une rivière. L'eau ne gèle pas, là-bas, et quand il fait noir, on n'y voit rien», a raconté Mario Boulet, de Sainte-Marthe-sur-le-Lac. Selon lui, seule la piste pour motoneiges offre un chemin sûr jusqu'à la terre ferme. «Il y a plus de glace et la majorité des gens l'empruntent. Ceux qui font du hors-piste sont téméraires», a ajouté M. Boulet.

Des proches sous le choc

Plusieurs proches étaient rassemblés en après-midi à la résidence des disparus, dans un secteur boisé de L'Île-Bizard, en bordure du lac. Isabelle Turgeon, une voisine qui se dit proche des victimes, était secouée : «Ce sont de très bonnes personnes qui m'ont toujours aidée et soutenue dans la vie. Je suis complètement en état de choc. On ne pense jamais que ça arrivera à nos voisins!»

Roman Jukovitsky, sa femme et leurs trois enfants, dont Daniel, sont d'origine russe. Ils se seraient installés au pays il y a trois ans. Le père, décrit comme un homme très gentil, possède une compagnie de camionnage. Mme Turgeon a aussi de bons mots pour l'adolescent. «C'était un très bon enfant avec de belles valeurs, toujours en train de rendre service et de nettoyer le stationnement pour ses parents», a expliqué la voisine de ce quartier tricoté serré. Selon elle, le père et d'autres membres de la famille pilotent des motoneiges depuis leur arrivée dans le quartier. «Ils sont très prudents, ce ne sont pas des gens irresponsables», a-t-elle assuré.

Sentiers balisés

Patrick Boucher, président de l'Association des motoneigistes du Québec (ADMDQ), croit que les victimes n'ont pas emprunté la piste fédérée qui relie Sainte-Marthe-sur-le-Lac à L'Île-Bizard, sur le lac des Deux-Montagnes. «Il y a 33 000 km de sentiers fédérés au Québec, autant que de routes provinciales.» Selon lui, la glace des pistes fédérées fait au minimum 18 pouces d'épaisseur, alors que six pouces de glace sont suffisants pour porter un motoneigiste et un passager. «Mais il faut aussi tenir compte d'un tas de facteurs, comme le soleil, le courant, la vitesse ou le redoux», a souligné Patrick Boucher.

Il déplore que les deux tiers des noyades surviennent la nuit, lorsque la visibilité est réduite. Se déplacer seul en motoneige constitue aussi un risque. «On recommande aux motoneigistes de se promener avec d'autres personnes et de se munir de pics à glace et d'une corde d'une vingtaine de pieds», a résumé M. Boucher, dont l'association compte 5000 membres.

Jusqu'à présent, quatre motoneigistes ont perdu la vie cet hiver. En moyenne, la motoneige fauche une trentaine de vies chaque année.

Près de 170 000 motoneiges sont immatriculées au Québec, environ 50 000 de plus qu'en 1990.