En dépit des escouades de police, des coups de sonde du ministère du Revenu ou des inspections de la Commission de la construction, le travail au noir se porte bien dans le secteur du bâtiment au Québec.

En marge de la commission parlementaire sur le projet de loi du ministre Sam Hamad, qui vise à assainir l'industrie en disqualifiant les entrepreneurs au passé criminel, patrons et syndicats s'entendent sur une chose: on paie encore souvent «en dessous de la table» dans le secteur de la construction.

 

«Et on ne peut pas dire que cela se soit amélioré», a résumé Claude Lauzon, le directeur général de l'Association des entrepreneurs en systèmes intérieurs du Québec. Ce groupe d'une quarantaine de gros entrepreneurs dans le secteur commercial et institutionnel est particulièrement frappé par le travail au noir, a expliqué hier à La Presse André Ménard, le président de la Commission de la construction.

Ce groupe est particulièrement visé dans un document distribué sous le manteau la semaine dernière en commission parlementaire par le directeur général de la FTQ-Construction, Richard Goyette.

M. Goyette n'avait pas voulu déposer formellement son document faisant état, soutenait-il, du «salaire volé» dans l'industrie de la construction. Il l'avait toutefois transmis aux députés de la commission parlementaire. Le document obtenu par La Presse reprend des données de la CCQ, dans certains secteurs, notamment pour les systèmes intérieurs - qui comprend des activités comme la pose de plafonds en tuiles acoustiques et une foule de travaux spécialisés dans le secteur commercial. Le secteur des sableurs de planchers est aussi problématique, indiquent les données de la CCQ. Pour chaque entrepreneur, le document donne la moyenne des heures travaillées par employé. Or, alors qu'en moyenne un salarié fait environ 1200 heures par année, on constate avec cette liste qu'il est très fréquent que les employés ne fassent, officiellement, que la moitié de ces heures en moyenne chaque année.

«Pour les systèmes intérieurs, il faut dire qu'il y a quelques années, on n'aurait vu aucune heure déclarée», a expliqué M. Ménard, qui voit une amélioration graduelle du niveau des heures déclarées. Dans ce secteur, les ouvriers sont habitués de travailler «à la job» et souvent se font payer en comptant.

«Beaucoup d'entrepreneurs nous disent que leurs ouvriers tiennent à commencer leur journée très tôt... pour faire d'autres contrats après leurs heures normales», a indiqué M. Lauzon.

«Si Québec parvenait à récupérer seulement la moitié de ce qui passe dans l'économie au noir dans la construction, peut-être que le gouvernement n'aurait pas besoin d'augmenter les tarifs d'Hydro», a illustré M. Lauzon.

Avec les perquisitions policières chez certains entrepreneurs, ce qui a été un peu redressé depuis quelques semaines, c'est le blanchiment d'argent, mais encore là, le mal n'a pas été éradiqué, a observé M. Lauzon, dont les membres oeuvrent dans la construction commerciale.

Cependant, en dépit des enquêtes de la CCQ, «le travail au noir n'a pas réellement diminué», a-t-il estimé, soutenant qu'une enquête publique serait utile pour redresser la situation.

Critique péquiste dans le secteur du travail, François Rebello abonde dans le même sens. «Le problème du travail au noir est toujours aussi important. On ne peut prétendre nettoyer l'industrie de la construction sans s'y attaquer», a observé le député de La Prairie. Pour lui, seule une enquête publique est susceptible de mettre en lumière les sources du problème, «la commission de la construction a beau faire des efforts, ce n'est pas suffisant», a observé M. Rebello, prenant Claude Lauzon à témoin.