La Cour suprême du Canada entend les arguments des avocats du gouvernement et de ceux d'Omar Khadr vendredi, afin de déterminer si Ottawa a l'obligation de demander son rapatriement auprès de Washington.

Les audiences se tiennent le jour même où l'on apprend que le gouvernement américain ramènerait le détenu Canadien, ainsi que neuf autres prisonniers, en sol américain afin qu'il comparaisse devant une commission militaire aux Etats-Unis.

Le plus haut tribunal canadien se penche entre-temps sur l'appel d'un jugement de la Cour fédérale du Canada, qui ordonnait au gouvernement conservateur de Stephen Harper de rapatrier Khadr au Canada.

L'avocat du gouvernement, Robert Frater, a soutenu d'entrée de jeu aux magistrats qu'aucun article de la Charte canadienne des droits et libertés n'avait été violé dans le dossier du jeune Khadr.

Il a prétendu que le gouvernement du Canada avait déjà posé de nombreux gestes à l'égard du prisonnier né à Toronto, seul Canadien détenu à la prison américaine de Guantanamo Bay, à Cuba. Le rapatriement constitue un geste de plus qu'Ottawa a le droit de ne pas franchir, à son avis.

«On est dans le champ de la diplomatie, ici», a-t-il soutenu.

Ce n'est évidemment pas l'opinion de l'avocat d'Omar Khadr, Nathan Whitling, qui a fait valoir qu'il était du devoir du gouvernement de demander un tel rapatriement, d'autant plus que Khadr n'était encore qu'un enfant lorsqu'il a été mis en prison.

Selon lui, le gouvernement s'est rendu complice des mauvais traitements subis par le jeune Khadr, dont celui de la privation de sommeil.

Il a estimé que le recours par lequel Ottawa peut remédier à la situation est de demander aux autorités américaines la permission de ramener au pays le prisonnier, une requête qui, à son avis, aurait de très fortes chances d'être acceptée par Washington.

Il a conclu son plaidoyer en demandant à la Cour de rendre aussi vite que possible son jugement. Khadr se trouve «dans les limbes» depuis désormais sept ans, a-t-il souligné.

Pendant que les juges entendaient les arguments des avocats, le gouvernement Harper a senti le besoin de faire une intervention politique.

Le secrétaire parlementaire de Stephen Harper, le député Pierre Poilievre, a tenu un court point de presse au Parlement pour dire que la décision de demander ou non le rapatriement de M Khadr appartient au gouvernement démocratiquement élu et non pas à des juges.

M. Poilievre a refusé de dire si cette déclaration signifie que son gouvernement pourrait ne pas obéir éventuellement à un jugement de la Cour suprême.

Il a tenu cependant à rappeler les accusations qui pèsent contre Omar Khadr et a dit que son gouvernement prend acte de la décision de Washington de faire comparaître le jeune homme devant une commission militaire, une procédure qui doit suivre son cours jusqu'au bout, de l'avis du gouvernement fédéral.

Omar Khadr a été capturé après un affrontement avec les troupes américaines en Afghanistan en 2002 durant lequel le sergent Christopher Speer a été tué par l'explosion d'une grenade.

Si la Cour suprême décide de maintenir le jugement rendu par la Cour fédérale en 2008, Khadr, maintenant âgé de 23 ans, pourrait bientôt revenir au pays.

Les conservateurs s'opposent fermement à son rapatriement, mais plusieurs groupes d'intervention ont milité pour que Khadr soit rapatrié au Canada.