Michel Trottier dit qu'il est mort le jour où les policiers ont trouvé le corps meurtri de son amie de coeur, Natasha Cournoyer, sous un pylône électrique à Pointe-aux-Trembles.

Ce jour-là, après une semaine d'attente insoutenable, de recherches et d'appels à l'aide dans les médias, le jeune homme de 32 ans a dû surmonter une autre épreuve: les soupçons. Ceux du public, des policiers et même de la famille de Natasha. Des soupçons qui, raconte-t-il, l'ont privé de son deuil.

 

«J'aurais aimé juste vivre ma peine, mais j'ai dû la mettre de côté pour me défendre», a-t-il confié à La Presse pour sa première entrevue depuis la découverte du corps de Natasha Cournoyer.

«C'est sûr que j'ai un goût amer, mais je n'ai pas de comptes à régler. C'était horriblement difficile. Heureusement, j'ai eu beaucoup de soutien dans les dernières semaines - de ma mère, de mes amis, de mes collègues et même de parfaits inconnus.»

Natasha Cournoyer a été retrouvée morte le 6 octobre. Pour dissiper les doutes, Michel Trottier a rencontré les enquêteurs montréalais le 14 octobre. Après un interrogatoire serré qu'il décrit comme l'expérience la plus dégradante de sa vie, il a passé avec succès le test du polygraphe.

«J'ai dû me mettre à nu. C'était humiliant, mais nécessaire. Mon avenir en dépendait.»

Avec l'arrestation, jeudi dernier, du présumé tueur de son amie, Michel Trottier sait que les soupçons à son égard ne tiennent plus. Mais il dit n'en tirer aucune satisfaction.

«Les gens me demandent si je suis soulagé qu'on l'ait retrouvée. La réponse, c'est non. Ça m'a fait rechuter. Ce jour-là, je n'ai pas été capable de parler, je suis resté calé dans mon sofa, je ne pouvais plus bouger. Je suis heureux que la justice puisse faire son travail. Mais moi, ça ne me donne absolument rien. Ça ne me la ramène pas. Mon coeur reste vide. Je suis mort le jour où il me l'a enlevée.»

L'homme soupçonné du meurtre de Natasha Cournoyer, Claude Larouche, sera de retour devant le juge le 9 décembre pour la présentation de la preuve.

«Je ne peux pas y aller, je n'ai pas la force de le faire. Je ne pourrais pas le regarder sans rien faire. Ce gars-là a un trop gros avantage sur moi. Il m'a pris quelque chose.»

Michel Trottier ne compte pas non plus assister au procès. «Je vais probablement finir par tout savoir. Je sais que j'ai besoin des faits pour faire mon deuil, mais je n'irai pas les chercher là.»

Changer le système

L'arrestation d'un homme qui a déjà été reconnu coupable d'agression sexuelle et de tentative d'enlèvement d'une fillette a provoqué de grands questionnements chez Michel Trottier quant au système de surveillance des prédateurs.

«Je ne peux pas donner un sens à la disparition de la femme de ma vie, a-t-il expliqué. Mais par respect pour Natasha, pour ma mère, pour sa mère et pour toutes les femmes du Québec, je dois me lever pour demander une meilleure protection et une meilleure sécurité pour elles.»

«Je connais mal les règles du système judiciaire et carcéral, donc c'est difficile pour moi de commencer à militer, a-t-il ajouté. Mais lorsque je vois que des violeurs ou des meurtriers sont relâchés au sixième, au quart ou au tiers de leur peine, et que le temps qu'ils ont purgé avant leur sentence compte pour double, j'avoue que je ne comprends pas. Est-ce que la vie d'une femme vaut seulement six ans de prison?»

«La justice et le gouvernement, c'est nous, dit-il. Si on veut que les choses changent, c'est à nous, en tant que collectivité, de faire pression.»

Michel Trottier a déjà repris le travail.

Pour se relever du drame qu'il vient de vivre, il lit et il écrit beaucoup. Il a déjà rédigé 100 pages de réflexions et de lettres adressées à sa bien-aimée. Il ne dort pas beaucoup. Il pense surtout à elle dès qu'il est seul dans sa voiture. «Il n'y a pas un seul jour où je n'ai pas pleuré, mais j'essaie de vivre à fond tous les petits moments de bonheur, parce qu'il n'y en a pas beaucoup.»