Qu'a fait Cathie Gauthier entre le soir du 31 décembre où ses enfants ont été drogués et la nuit du 2 janvier où elle a logé un appel à la centrale 911? Personne à part elle ne pourra jamais répondre avec exactitude à cette question.

Mais chose certaine: les 11 jurés au procès de la mère de famille de 35 ans ont jugé qu'elle était coupable du meurtre prémédité de ses trois enfants de 4, 7 et 12 ans au quatrième jour de leurs délibérations cet après-midi au palais de justice de Chicoutimi. Cathie Gauthier écope ainsi d'une peine d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération avant 25 ans. Son avocat, Me Dominic Bouchard, a déjà indiqué sa volonté d'en appeler du verdict.Le 31 décembre dernier, après un «souper pizza», Cathie Gauthier a donné le bain à ses deux plus jeunes dans leur bungalow loué de la rue du Portage à Chicoutimi. Vers 19h, Louis-Philippe, 4 ans, a choisi le film Voyage au centre de la Terre pour leur soirée cinéma. Joëlle, 12 ans, Marc-Ange, 7 ans, et le petit Louis-Philippe se sont installés devant le film avec leur doudou. Trente minutes plus tard, ils ont réclamé du popcorn et des breuvages.

À partir d'ici, les jurés ont entendu deux versions diamétralement opposées. Leur décision d'aujourd'hui montre qu'ils n'ont pas cru celle de Cathie Gauthier.

Lors de son procès, l'accusée a témoigné être restée dans le salon, sans savoir que son mari Marc Laliberté était en train de dissoudre de l'Oxazépam (un médicament contre l'anxiété) et des Gravol dans les breuvages des enfants et dans son Cooler. Après avoir bu son Cooler, elle ne se souvient plus de rien, a-t-elle raconté pour sa défense.

Aux yeux de la Couronne, Cathie Gauthier savait ce qui se tramait dans la cuisine. L'accusée et son mari sont «100% responsables de ce qui s'est passé», a dit la procureure de la Couronne, Me Sonia Rouleau, au moment des plaidoiries. La preuve: quatre jours plus tôt, le 27 décembre, c'est l'accusée qui est allée acheter les médicaments à la pharmacie, a révélé la Couronne.

Cathie Gauthier a raconté s'être réveillée alors qu'il faisait jour, le bras droit tailladé; ses enfants couchés à ses côtés dans le lit du couple. Elle avait si froid qu'elle s'est fait couler un bain chaud. Elle s'est rendormie dans le bain pour se réveiller seulement en soirée. Ce n'est que peu avant minuit le 1er janvier qu'elle a appelé les secours. Cet appel s'est étiré jusqu'aux premières minutes du 2 janvier.

«Si elle a eu assez de jugement pour se faire couler un bain, pourquoi elle n'a pas été capable d'appeler le 911? Car elle espérait mourir, donc elle n'a pas appelé», a d'ailleurs plaidé Me Rouleau, au jury qui a retenu cette version.

Les ambulanciers ont découvert une note collée sur la porte de la chambre du couple disant: «Ne pas nous réanimer. Notre désir est de partir en paix. S.V.P. merci.». Un crucifix était accroché à la tête du lit. Les trois petits corps étaient allongés en position funèbre. Marc Laliberté, lui, était couché sur le plancher à la base du lit, mort, un poignet tailladé.

De son côté, l'avocat de défense, Dominic Bouchard, avait plaidé que si sa cliente avait conclu un pacte de suicide, il n'aurait pas été stratégique d'appeler des secours. «Elle aurait pu prendre un couteau et s'achever elle-même», a-t-il dit au jury arguant que le seul responsable de la mort des enfants est Marc Laliberté.

Selon la thèse de la Couronne, retenue par le jury, le couple Gauthier-Laliberté a fait un pacte de suicide en raison de leurs difficultés financières. Il a écrit une dizaine de lettres d'adieu dans lesquelles il explique son geste. Il raconte avoir été forcé de déclarer faillite et ne plus avoir d'argent pour payer le loyer.

Dans plusieurs lettres, l'accusée a réglé ses comptes avec ses anciennes collègues de travail, sa mère biologique, sa meilleure amie et ses parents adoptifs. Elle y tient des propos très méchants en plus de les rendre coupable de ne pas avoir aidé sa famille quand c'était le temps. Au procès, Cathie Gauthier a dit ne pas se souvenir du contenu des lettres écrites alors qu'elle se sentait «en suspension», hors de son corps.

Au terme de trois semaines de procès, le juge Jean-Claude Beaulieu avait rendu trois verdicts possibles : meurtre prémédité, meurtre non prémédité ou acquittement. Une fois le jury séquestré, les médias ont pu révéler que Cathie Gauthier a fait une tentative de suicide au printemps dernier au moment où elle était en liberté sous caution. Alors hébergée dans une maison pour femmes en difficulté, elle a ingéré des médicaments et laissé une lettre décrivant son intention d'aller rejoindre ses trois enfants et son mari. Le juge Beaulieu a décidé qu'il valait mieux la ramener en détention pour la protéger contre elle-même. À l'époque, les médias avaient seulement pu rapporter qu'elle était de retour en prison après avoir brisé une condition de remise en liberté.

Avec Le Quotidien.