Même s'il purge une peine de 19 ans de pénitencier, la plus lourde jamais prononcée au Québec en matière de narcotrafic, le mafioso Vincenzo Armeni n'en a toujours pas fini avec le complot d'importation de 762 kg de cocaïne pour lequel il a été condamné: le fisc est aujourd'hui à ses trousses, révèle un document déposé en Cour du Québec, à Montréal.

Comme il l'a fait avec d'autres trafiquants dans le passé, Revenu Québec exige d'Armeni un peu plus de 1 million de dollars en impôts impayés et en pénalités sur les profits qu'il aurait réalisés au cours de cette importante transaction de drogue, éventée en 2005. Selon des estimations «largement en deçà de la réalité», indique-t-on dans la requête, Armeni aurait empoché 2,5 millions.

 

C'est à partir des révélations d'un individu qui a caché la drogue chez lui, à Blainville, - et qui est devenu délateur à la suite de son arrestation - que les inspecteurs du fisc ont établi la cotisation. Il y aurait eu pour 15 millions de drogue, selon le mafioso Alfredo Minisini, chargé d'écouler la cocaïne sur le marché québécois. À l'issue d'un premier procès qui a avorté et d'une série de requêtes toutes plus complexes les unes que les autres, Minisini a plaidé coupable en mars 2009. Il a été mis en liberté après avoir passé un peu plus de quatre ans en détention préventive.

Après avoir consulté des experts de la police, les enquêteurs du ministère québécois du Revenu ont établi qu'Armeni et son réseau auraient revendu la cocaïne 19 700$ le kilogramme. En tant que principal commanditaire de l'importation, Armeni aurait touché au bas mot une commission «de 20% sur chacun des kilos vendus aux niveaux inférieurs». Surnommé «le gars des clés», Armeni s'était approprié 1 kg à l'arrivée de la cargaison. Le reste avait été transporté dans la cache de Blainville après que Minisini, beau-frère du délateur, s'en fut chargé.

Données fiscales contestées

Dans une requête déposée le 23 septembre dernier, Armeni conteste les données du fisc québécois. Il soutient que le nouvel avis de cotisation qui lui a été remis pour l'année 2005 «n'est qu'un amalgame d'informations tirées de 10 rapports différents provenant de multiples sources». Tout en qualifiant «de prospective et d'hypothétique» l'évaluation que les enquêteurs ont faite des profits générés par ce trafic, les avocats du mafioso de Laval s'interrogent sur les quantités mises en cause, d'autant plus que la police a saisi 240 des 761 kg de cocaïne qui ont transité par la maison du délateur.

De leur point de vue, il n'y a aucune preuve que la drogue a été vendue, sinon des suppositions. «Les enquêteurs n'ont pas fait de distinction entre une réelle vente et une possibilité de vente», plaident-ils, tout en rappelant qu'au moment de condamner sévèrement leur client aux assises criminelles, le 19 octobre 2007, le juge Richard Wagner avait déclaré: «Il n'y a aucune preuve qu'Armeni a bénéficié financièrement des crimes dont il a été reconnu coupable.»

Âgé de 53 ans, Armeni est un vieux routier du clan calabrais. Il était en libération conditionnelle quand il a orchestré l'importation des 762 kg de cocaïne, en 2005. Il a alors déclaré des revenus de 56 220$ provenant d'une société de «services aux entreprises» au nom de sa femme, ainsi que d'un commerce de Laval appelé Planchers de bois exotiques inc. La même année, il a transféré à sa femme les titres de leur résidence de Laval, évaluée à 588 000$. Sa femme est également à la tête d'une société à numéro qui a été propriétaire jusqu'en 2006 d'un complexe de 45 appartements du chemin de la Côte-des-Neiges, à Montréal. L'immeuble avait été payé 4,5 millions en 2005.

Cette année-là, par une autre société à numéro, indique-t-on dans les documents judiciaires, la femme d'Armeni a fait l'acquisition d'un immeuble d'habitation de l'avenue Ridgewood, à Montréal, pour une somme de 2 millions. Sa valeur au rôle est aujourd'hui de 3,1 millions. La femme d'Armeni est aussi fiduciaire de Vaccarello Giuseppina in Trust.

Après toutes ces recherches, le fisc conclut: «L'argent provenant des activités illicites de Vincenzo Armeni a transigé par les activités liées à sa conjointe, Giuseppina Vaccarello.»

En plus de s'opposer à la réclamation du fisc, Armeni a interjeté appel de sa condamnation à 19 ans de pénitencier.