Après des années de lutte judiciaire contre Ottawa, le Montréalais Adil Charkaoui a été libéré, par la Cour fédérale mercredi, du certificat de sécurité qui pesait contre lui, depuis qu'il a été soupçonné par le gouvernement canadien d'entretenir des liens terroristes.

Le tribunal a également statué qu'Ottawa ne pourrait pas porter la cause en appel.

M. Charkaoui devra toutefois intenter procédure distincte, s'il va de l'avant avec son souhait de poursuivre le gouvernement, comme il l'avait évoqué à la fin septembre.

Ce Montréalais d'origine marocaine, marié et père de trois enfants, a été soupçonné d'activités terroristes et s'est vu imposer un certificat de sécurité par le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), qui le présumait d'être un sympathisant d'al-Qaïda.

Le mois dernier, la juge de la Cour fédérale, Danièle Tremblay-Lamer, avait levé les dernières conditions de remise en liberté qui lui avaient été imposées. M. Charkaoui n'attendait plus que l'annulation du certificat de sécurité.

Cette dernière étape a été franchie mercredi.

Dans un jugement de 68 pages, la juge Tremblay-Lamer a expliqué que, comme le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Jason Kenney, et son collègue de la Sécurité publique, Peter Van Loan, ont retiré depuis le début des procédures certaines preuves qui avait été retenues contre M. Charkaoui, le certificat n'était plus valide.

Les ministres avaient plaidé que la divulgation de leurs éléments de preuve pourrait menacer la sécurité nationale.

«Les ministres ne pourraient pas, légalement, déposer un certificat sans déposer la preuve le justifiant. (...) Ainsi, le certificat déposé sans preuve à l'appui serait «ultra vires» (au-delà des pouvoirs) des ministres, illégal, et nul», tranche la juge, dans sa décision.

«Evidemment, telle n'était pas la situation dans la présente affaire: les ministres avaient déposé la preuve justifiant, selon eux, le certificat contre M. Charkaoui. Toutefois, comme la LIPR (Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés) le leur permet, ils ont choisi de retirer une partie importante de cette preuve», rappelle la magistrate.

En entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne, M. Charkaoui s'est dit extrêmement heureux du jugement rendu mercredi, lui qui attend d'être un homme libre depuis maintenant six ans.

«C'est une bonne décision, pour moi, une décision historique, donc je suis très heureux», a-t-il fait valoir.

«C'est enfin la fin de ce cauchemar», a-t-il ajouté, se contentant de ne faire que de brefs commentaires en attendant de prononcer une conférence de presse, en après-midi, une fois qu'il aura pris connaissance du jugement.

Mais en ce qui concerne sa poursuite contre le gouvernement fédéral, M. Charkaoui devra reprendre la procédure à zéro, en vertu du jugement de la Cour fédérale. La juge Tremblay-Lamer a en effet précisé qu'il devrait intenter une procédure distincte.

«L'intéressé a le droit de s'adresser à la Cour fédérale mais n'a pas un droit à ce que le même juge qui a examiné le certificat statue sur cette demande. L'assignation des dossiers est une prérogative qui relève du juge en chef», a-t-elle souligné.

Lors d'un point de presse, à Ottawa à la fin septembre, M. Charkaoui avait réclamé des excuses officielles de la part du gouvernement et laissé savoir qu'il pourrait demander une compensation financière.