Alain Lachance n'avait pas vu sa soeur Cathie Gauthier depuis huit ans. Jeudi, l'homme de 38 ans, appelé à témoigner au procès de sa soeur à la demande de la Couronne, n'a pas jeté un seul regard vers elle.

Enfants, ils ont été adoptés par des familles différentes après que leur mère, dépressive, eut été hospitalisée pour obtenir des soins psychiatriques. Leur père était mort quelque temps auparavant.

Leur mère biologique, Pâquerette Gauthier, vit toujours. M. Lachance était chez elle, le 5 janvier dernier, lorsqu'une lettre de Cathie Gauthier est arrivée par la poste. C'est lui qui l'a ouverte. «Je l'ai lue. Elle contenait beaucoup de méchancetés. Je ne voulais pas que ma mère voie ça», a-t-il dit froidement. Dans cette lettre produite en preuve, Cathie Gauthier reproche à sa mère sa «paresse» et sa «lâcheté».

Cathie Gauthier est la seule survivante du drame qui a coûté la vie à ses trois enfants et à son mari, Marc Laliberté, le 31 décembre dernier à Chicoutimi. La femme de 35 ans est accusée du meurtre prémédité de ses enfants, âgés de 4 à 12 ans.

La meilleure amie de Cathie Gauthier au Saguenay, Kathy Ouellet, 35 ans, a aussi témoigné, sans jeter un regard vers le banc des accusés. Elle a raconté avec aplomb les derniers moments qu'elle a passés en compagnie de son amie, la veille des événements tragiques.

«On va aller vivre dans ton garage», lui a lancé l'accusée, le 30 décembre, découragée par ses problèmes financiers. Mme Ouellet, loin de se douter du drame qui se tramait, a trouvé la remarque farfelue. Depuis, elle se repasse les phrases prononcées par l'accusée ce jour-là, y cherchant un message. L'une des ces phrases l'a marquée: «Je ne sais pas ce que je ferais avec les enfants si Marc n'était pas là.»

Après avoir vendu leur maison à Amos, les Laliberté-Gauthier ont loué en août 2008 un bungalow à 1250$ par mois à Chicoutimi. À l'époque, le couple avait en banque les profits de la vente de sa maison - 19 000$. Marc Laliberté avait décidé de quitter l'Abitibi pour revenir dans sa région natale, le Saguenay, et ainsi se rapprocher de sa mère, malade en phase terminale. Quelques mois plus tard, le couple a déclaré faillite. Marc était «stressé». Il ne trouvait pas de travail en tant qu'agent immobilier, a raconté Mme Ouellet. Cathie, elle, a perdu trois emplois de vendeuse dans des boutiques en moins de deux mois.

La veille du drame, l'accusée a invité son amie chez elle pour lui donner des vêtements neufs. «Elle me disait qu'elle n'en avait plus besoin puisqu'elle avait perdu son emploi», a-t-elle raconté. Après avoir essayé les vêtements, Mme Ouellet lui a proposé d'aller visiter des appartements moins chers pour sa famille. C'est sans grand enthousiasme que l'accusée l'a accompagnée. «Au bout d'une heure, elle en avait assez. Ça ne faisait jamais. Elle voulait rentrer», selon Mme Ouellet. À leur retour chez les Laliberté-Gauthier, Mme Ouellet a trouvé que le mari de son amie était «distant». C'est la dernière fois qu'elle les a vus vivants.

Le matin du Nouvel An, Mme Ouellet a téléphoné chez les Laliberté-Gauthier pour leur souhaiter bonne année. Il n'y avait pas de réponse. «Ils étaient supposés aller dîner chez les parents de Marc à Normandin, je me suis dit qu'ils étaient déjà partis», a-t-elle raconté. Le lendemain, le 2 janvier au soir, elle a reçu la visite des enquêteurs de la Sûreté du Québec. Quelques jours plus tard, elle a découvert dans sa boîte postale deux lettres dans lesquelles l'accusée expliquait son pacte de suicide.