«La société ne doit pas tolérer que des joueurs de hockey deviennent des lutteurs ou des boxeurs sur la patinoire.»

Le juge Valmont Beaulieu a lancé ce message, mercredi, au moment de prononcer sa sentence à l'égard de Jonathan Roy. L'ex-gardien de but des Remparts s'était reconnu coupable plus tôt dans la journée de voies de fait sur Bobby Nadeau, le gardien de but des Saguenéens, au cours d'un match. Le jeune homme de 20 ans a ainsi coupé court à son procès, qui devait débuter mercredi au palais de justice de Chicoutimi.

L'ex-hockeyeur devenu chanteur a bénéficié de la clémence du juge, qui lui a accordé l'absolution inconditionnelle. Le magistrat a suivi la recommandation commune de la Couronne et de la défense. L'accusé s'évite un casier judiciaire qui aurait compliqué la poursuite de sa carrière aux États-Unis.

Le juge Beaulieu a déploré la «culture d'acceptation» des bagarres au hockey dans la société. «Le tribunal ne voudrait pas qu'on retienne de la situation que, ce jour-là, Jonathan Roy a eu un écart de jugement. Il a commis une infraction criminelle.»

Le 22 mars 2008, lors d'un match des séries éliminatoires entre les Remparts et les Saguenéens, une mêlée générale a éclaté. Bien qu'un arbitre ait tenté de le retenir, Jonathan Roy a traversé la patinoire et s'en est pris au gardien des Saguenéens, Bobby Nadeau. Le jeune Nadeau a reçu 16 coups de poing sans répliquer, en tentant simplement de se protéger. Il n'a subi aucune blessure et n'a pas porté plainte à la police. À la demande de la poursuite, la police de Saguenay a tout de même fait enquête. Les accusations ont été portées contre Roy quatre mois plus tard.

«La rudesse fait partie du hockey. Seuls les esprits obscurs et ne faisant aucun effort intellectuel ne comprendront pas la différence entre rudesse et violence. Le hockey ne doit plus être considéré comme un sport violent», a ajouté le juge Beaulieu.

Jonathan Roy a fait son mea-culpa, mercredi. «Il y a des limites. J'ai dépassé ces limites.» Il a dit regretter les coups portés à Bobby Nadeau, son doigt d'honneur à la foule et les propos méprisants et dénués de remords qu'il a tenus lors de l'entrevue d'après-match. «J'ai manqué énormément de jugement», a-t-il répété à plusieurs reprises lors de son témoignage.

«Regrets sincères»

L'accusé a paru émotif lorsqu'il a reconnu avoir déçu sa mère et «enlevé de la crédibilité» à son célèbre père. Le juge Beaulieu a estimé que ces regrets étaient sincères. Il a toutefois mis en doute les raisons qui avaient poussé Roy à attaquer Nadeau.

Roy a nié qu'il ait voulu forcer Nadeau à se battre pour qu'il écope d'une suspension. Le magistrat lui a reproché de «manquer de transparence» sur ce point, non sans égratigner au passage son père et ex-entraîneur, Patrick Roy. «Si votre réponse avait été oui (à la question de savoir s'il a cherché à provoquer Nadeau), vous êtes une personne intelligente ; la question suivante aurait été : Est-ce que quelqu'un vous l'a commandé ?» a souligné le juge.

L'avocat de Jonathan Roy, Me Steve Magnan, n'est pas d'accord avec ce reproche adressé à son client. «J'ai compris l'interprétation du juge. Mais si mon client avait répondu, il n'aurait pas donné la réponse que monsieur le juge attendait», a-t-il indiqué à sa sortie de la salle d'audience. Les Roy ont quitté le palais de justice sans faire de commentaire.

Jonathan Roy a aussi affirmé qu'il avait souffert du traitement médiatique qui lui a été réservé, particulièrement dans le sketch de l'émission de fin d'année à Radio-Canada, dans lequel on le dépeignait comme un être violent. «Pour encore longtemps, vous aurez à vivre avec cette image négative de votre personnalité», lui a dit le juge. Jonathan Roy aurait dû être conscient à l'époque de sa «responsabilité sociale» à titre de gardien de but, «vu positivement par le public tout simplement parce que son père est une vedette et, pour certains, le plus grand gardien de but dans l'histoire du hockey», selon le magistrat.

Le jeune homme de 20 ans s'est engagé à faire un don de 5000 $ «avec son argent» à des organismes de charité. Neuf mois après avoir entamé sa carrière de chanteur, il compte enregistrer un second album à New York le mois prochain. Aux yeux du tribunal, l'accusé est «complètement réhabilité». La Couronne, représentée par Me Denis Dionne, abondait dans ce sens. «L'attitude du jeune Roy ce soir-là est à mille lieues de son attitude d'aujourd'hui. Il est sympathique, réservé et sans prétention.»

Quant à Bobby Nadeau, la Couronne a fait valoir qu'il s'était retrouvé dans une «situation fort embarrassante» où il a dû jouer le rôle de celui qui se «laissait battre au risque de passer pour un peureux», alors qu'en réalité il ne faisait que suivre les règles du jeu. «Bobby Nadeau a été le plus intelligent des deux ce soir-là», a reconnu la défense.