Alain Creton, propriétaire du chic restaurant Alexandre, rue Peel, est jugé ces jours-ci pour harcèlement sexuel devant le Tribunal des droits de la personne. L'homme de 64 ans se défend bien d'avoir demandé a une serveuse de lui «faire un bonbon» comme celle-ci le soutient.

«Je n'ai jamais entendu cette expression auparavant», a fait valoir M. Creton, hier. La plaignante a travaillé pendant deux mois au restaurant Alexandre, en 2006. En raison de l'attitude de M. Creton et des habitudes de la maison, la femme de 30 ans dit s'être sentie parfois plus comme une escorte que comme une serveuse. Remarques sur la longueur de la jupe, sur le décolleté, sur sa démarche, sur l'obligation de boire avec le client s'il offre le champagne... Madame avait l'impression d'être considérée comme un objet. Elle reproche principalement quatre incidents à M. Creton: Durant sa première semaine de travail, alors que M. Creton l'avait invitée à s'asseoir à sa table sur la terrasse, il lui aurait passé la main sur la cuisse avec insistance. La semaine suivante, il lui aurait demandé d'aller «faire la belle» sur la terrasse, une méthode apparemment éprouvée pour attirer les «hommes d'affaires» entre 16h et 19h. D'autant plus, dit-elle, que M. Creton n'embauche que de très belles femmes pour attirer la «gent masculine». Le troisième incident serait survenu quand un soir, M. Creton, attablé avec d'autres personnes à la terrasse et apparemment ivre, aurait demandé à cette jeune femme: «Faites-moi un bonbon.» (NDLR une fellation.)

 

«J'ai-tu l'air d'un hosti de bonbon, tabarnak?» lui aurait répondu la plaignante, qu'il nous est interdit d'identifier, comme tous les autres témoins d'ailleurs.

La jeune femme a dit qu'elle commençait à en avoir soupé de M. Creton, et elle a demandé à changer de quart de travail pour ne plus le croiser. Elle songeait à quitter le restaurant, mais craignait de ne plus trouver un boulot aussi payant.

Le quatrième incident a cependant fait déborder le verre (de champagne, puisque c'est la spécialité de la maison). Cet incident s'est produit selon la plaignante en plein coup de feu du midi, dans une salle bondée. M. Creton l'a apostrophée, a imité sa démarche avec grande exagération et lui a demandé de faire plutôt des «petits pas de Chinoise». La serveuse s'est sentie ridiculisée et a démissionné. Peu après, elle a porté plainte auprès de la Commission des droits de la personne.

La plaignante dit être restée tellement perturbée de son passage chez Alexandre qu'elle est incapable d'avoir des relations avec les hommes.

Elle ne supporte pas les compliments, surtout venant des hommes d'affaires. Elle dit être retournée une deuxième fois en thérapie depuis les événements, en raison de son agressivité envers les hommes.

Manque de tact

Alain Creton, convient qu'il a manqué de tact dans l'affaire de la démarche. En ce qui concerne les autres incidents, il les nie absolument. Il affirme également qu'il ne boit pratiquement pas, hormis un verre de champagne à l'occasion. Quand on le voit attablé sur la terrasse et qu'il y a une bouteille de champagne sur la table, c'est pour la galerie. Car en réalité, c'est du ginger ale qu'il a dans son verre.

M. Creton, marié et père de quatre enfants, âgés entre cinq et 12 ans, dit vivre difficilement l'épreuve du Tribunal des droits de la personne. Tous les avocats qu'il a consultés lui ont conseillé de régler à l'amiable, car c'était joué d'avance. Son contre-interrogatoire s'amorce aujourd'hui.