À la suite de la spectaculaire découverte de serres hydroponiques dans une vingtaine de bungalows de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, au début de 2002, l'ancien directeur de la police régionale de Deux-Montagnes, Normand Mastromatteo, a obtenu 11 000$ de la Ville pour récompenser l'informateur qui lui aurait refilé le précieux tuyau. Mais ce dernier n'a jamais reçu un cent.

Sous le nom de code 83086, l'indic est venu à la barre, hier, au procès du chef déchu, pour dire qu'il n'avait jamais été payé. Il a reconnu, par contre, avoir déjà collaboré avec M. Mastromatteo, de 1983 à 1991, alors que celui-ci travaillait à la brigade des stupéfiants de la police de Montréal. Pour des raisons de sécurité évidentes, ce témoignage s'est déroulé à huis clos. Avec l'accord des avocats, le juge Jean Sirois en a fait un bref résumé en public.

M. Mastromatteo était à la tête du service de police de Deux-Montagnes depuis quelques mois à peine quand il a procédé à cette razzia au domaine Mon Rêve, à Sainte-Marthe-sur-le-Lac. Des trafiquants y avaient acheté, dans deux rues, une vingtaine de maisons dans lesquelles ils faisaient pousser de la marijuana. Les policiers ont arrêté quatre personnes et ont saisi 6000 plants de cannabis ainsi que des équipements d'une valeur de 15 millions de dollars. Décrite comme sans précédent dans les annales canadiennes, l'histoire a fait les manchettes durant les quatre jours qu'a duré l'opération.

Le chef Mastromatteo a fièrement déclaré que ce coup d'éclat était le résultat d'une enquête qui avait duré un an. Il avait même invité le directeur général de la municipalité de Deux-Montagnes, Paul Allard, à assister à une descente dans l'une des maisons. «C'était assez marquant comme opération», a-t-il relaté hier, devant le tribunal.

C'est ce qui explique sans doute que M. Allard n'a pas posé tellement de questions quand M. Mastromatteo a présenté une réquisition, le 9 juin 2003, dans laquelle il réclamait une somme de 11 000$ pour payer la source d'information 83086, qui avait permis cette belle enquête, appelée opération Balayage. «C'était la première fois de ma carrière qu'un chef de police me demandait une si grosse somme. J'ai été voir le maire, et on n'a pas hésité à la lui remettre. Après tout, il s'agissait d'une opération réussie. Il était le directeur et il n'y avait pas lieu de douter de lui», a dit M. Allard.

«Et on n'allait tout de même pas lui demander d'apporter un reçu d'une source», a renchéri le haut fonctionnaire, maintenant au service de la municipalité de Blainville.

Le témoin est resté bouche bée quand le procureur de la poursuite, Jacques Dagenais, lui a demandé pourquoi il avait fait deux chèques, l'un de 6000$ et l'autre de 5000$, plutôt qu'un seul de 11 000$. «Ç'a certainement été discuté», a-t-il balbutié, en répétant qu'il faisait alors confiance au directeur Mastromatteo.

Le ministère public a mis en preuve un registre voulant que la source 83086 ait reçu 13 500$ pour ses services. Ces paiement auraient été faits en quatre versements. Contrairement à la pratique reconnue, le registre ne contient pas de fiche signalétique de l'informateur en question, ni de rapport d'événement, ni de reçu officiel comme quoi l'argent lui a bel et bien été versé. L'ancien directeur général de Deux-Montagnes assure également n'avoir jamais vu un autre document, daté celui-là du 11 juin 2002, que la police de Laval a trouvé durant son enquête sur cette affaire de détournement de fonds.

M. Mastromatteo fait face à 13 chefs d'accusation de fraude et d'abus de confiance. Entamé lundi, le procès en sera à sa quatrième journée aujourd'hui. M. Allard poursuivra son témoignage.