Dans une entrevue exclusive à La Presse, le célèbre pathologiste américain Michael Baden, embauché par la famille d'Arturo Gatti pour enquêter sur la mort du boxeur, affirme que rien ne permet pour l'instant d'exclure ni la thèse du suicide, ni celle de l'homicide.

«Je n'exclus pas le fait qu'il se soit pendu ni celui que quelqu'un l'ait pendu», affirme le médecin, qui anime l'émission Autopsy sur la chaîne HBO au New Jersey. Le Dr Baden a assisté à l'autopsie pratiquée à Montréal, sans toutefois y prendre part activement puisqu'il n'a pas le droit de pratiquer au Canada. La Presse a révélé samedi que l'autopsie pratiquée le 1er août au Laboratoire de sciences

judiciaires de Montréal confirme que le boxeur est bel et bien mort pendu, et non étranglé. «On ne peut conclure au suicide ou à l'homicide tant que toute l'information n'a pas été rassemblée. Il me manque toujours de l'information du Brésil. Il faut aussi analyser les nouvelles photos transmises par la police brésilienne et traduire les documents», souligne le médecin. Le Dr Baden a reçu à la fin de la semaine dernière un rapport d'analyses toxicologiques faites au Brésil qui, selon lui, est incomplet.

Selon ce rapport de l'Institut de médecine légale Antonio Persivo Cunha, qui tient sur une page, les experts n'ont pas été en mesure de mesurer le taux d'alcool dans le corps du boxeur à cause de «conditions techniques» qui n'ont pas été expliquées. Mais ils ont été capables d'éliminer la thèse de l'empoisonnement puisqu'ils n'ont pas trouvé de toxines métalliques comme l'arsenic dans les tissus organiques.

Ce rapport, signé par les médecins Silvio José Cordeiro Rodrigues et Ana Azoubel Marletti, était entre les mains des policiers civils qui ont dirigé l'enquête sur la mort du boxeur. Le document a été transmis au procureur Roberto Brayner, qui s'était adressé à une juge il y a deux semaines pour l'obtenir.

«Est-ce que j'ai tout le rapport toxicologique entre les mains? Si c'est le cas, et que les experts brésiliens n'ont pas mesuré le taux d'alcool dans le sang, qui est la drogue la plus facile à déceler lors d'un examen toxicologique, je me questionne sur les conclusions de l'enquête», dit le pathologiste américain.

Le rapport ne parle pas non plus de la substance qui provoque la somnolence trouvée par les experts québécois au cours de leurs propres analyses toxicologiques. Cette substance se trouve dans des médicaments vendus au Brésil, mais pas au Canada. Les experts québécois doivent donc se procurer les normes d'utilisation pour en connaître la concentration.

De plus, le Dr Baden se pose des questions sur la courroie de sac à main avec laquelle le boxeur se serait pendu, selon les autorités brésiliennes. «D'autres tests doivent être faits pour confirmer si les marques dans le cou d'Arturo ont bel et bien été faites par la courroie du sac à main», explique-t-il.

Arturo Gatti a été trouvé mort dans un hôtel de Porto de Galinhas, au nord-est du Brésil, le 11 juillet. Il séjournait dans cette luxueuse station balnéaire avec sa femme et leur fils, âgé de 10 mois. Au départ, la police brésilienne a accusé la femme du boxeur, Amanda Rodrigues, de l'avoir étranglé avec la courroie de son sac à main. Mais après enquête, la police a écarté cette hypothèse et a conclu au suicide par pendaison. La famille de Gatti n'y croit pas et attend beaucoup du rapport du coroner Jean Brochu, dont les conclusions ne seront pas connues avant plusieurs mois.

Ce dernier s'est montré fort mécontent d'une déclaration qu'avait faite le Dr Baden aux médias, à sa sortie de l'édifice de la rue Parthenais, où l'autopsie a été pratiquée, selon laquelle l'examen avait révélé plusieurs surprises, notamment des blessures qui, selon lui, n'auraient pas été signalées au Brésil. Le coroner Brochu aurait préféré que le Dr Baden se taise: «Ce n'est pas de ses oignons, ce n'est pas de son ressort. Je désapprouve le seul fait qu'il ouvre la bouche à ce sujet», a dit le coroner au quotidien La Voix de l'Est.