Les arrestations massives entourant l'opération SharQc, à l'encontre des cinq chapitres des Hells Angels, causent de sérieux maux de tête aux tribunaux. À moins d'un consensus entre les avocats, les procédures intentées contre certains des 156 accusés pourraient durer au moins quatre ans.

« C'est un dossier gigantesque. Comme il faut donner à la défense le temps de se préparer adéquatement, il est quasi impensable de commencer un premier procès avant septembre 2010 «, a indiqué le juge James Brunton qui avait convoqué tout le monde au Centre de services judiciaires Gouin, hier, pour faire le point sur les épineux problèmes de logistique qui s'annoncent.

 

À en croire le juge, l'idéal serait de tenir un seul grand procès pouvant réunir une centaine de prévenus. Un tel procès se tiendrait devant un juge, sans la présence d'un jury. L'audition pourrait durer 15 mois, si bien que le dossier pourrait être clos à la fin de 2011 ou au début de 2012. « Je ne suis pas ici pour vous forcer. C'est à vous, individuellement, de prendre la décision «, a-t-il dit en s'adressant aux accusés et à leurs avocats, ainsi qu'aux procureurs de la poursuite.

Autrement, le juge Brunton propose une série de six procès. En tenant deux procès à la fois, le processus s'échelonnerait au bas mot jusqu'en 2014. Chacun des procès comprendrait une quinzaine d'accusés. À moins d'avis contraire, tous ces procès se dérouleraient devant jury, au Centre de services judiciaires Gouin. Ils pourraient durer de 12 à 15 mois, estime le juge.

Quant aux juges qui pourraient siéger, ils seront nommés plus tard. Chose sûre, a précisé le juge de la Cour supérieure, cette lourde tâche ne pourra être confiée à des juges surnuméraires à la retraite, puisque ceux-ci ne peuvent siéger plus de six mois par année. Il a aussi fait rire les avocats de la défense en soulignant que les juges André Vincent et France Charbonneau étaient exclus d'emblée. Ces derniers, on le sait, étaient à la tête des équipes de procureurs qui ont fait condamner Maurice Boucher et plusieurs autres membres des Hells Angels, au début des années 2000.

Construit en 2001 dans la foulée de toutes ces autres enquêtes antimotards d'envergure, le Centre de services judiciaires Gouin vient d'être réaménagé pour les besoins de l'opération SharQc. Le gros des travaux, au coût de 1,4 million, a surtout servi à agrandir les bureaux des avocats de la poursuite et de la défense. Un corridor souterrain relie les deux salles d'audience au Centre de détention de Montréal (anciennement la prison de Bordeaux), où sont détenus la majorité des Hells Angels et de leurs associés arrêtés le 15 avril dernier. Protégés par de grandes vitres, les box des accusés peuvent recevoir 45 personnes.

Les procédures en préparation portent sur pas moins de 17 années d'activités criminelles - entre mai 1992 et avril 2009 - des membres et associés des Hells Angels des chapitres de Montréal (Sorel), Québec, Sherbrooke, Trois-Rivières et South, établi sur la Rive-Sud. Des 156 accusés, 11 seulement ont pu jusqu'à maintenant obtenir leur liberté sur cautionnement. La grande majorité d'entre eux font face à des accusations de meurtres et de gangstérisme, ainsi que de trafic de drogue à grande échelle. Il en reste encore 24 à arrêter. La prochaine audience est prévue pour le 19 novembre prochain.