Formellement accusé de conduite dangereuse et de négligence criminelle ayant provoqué la mort d'un cycliste à Toronto, un ex-procureur général de l'Ontario, Michael Bryant, a clamé haut et fort son innocence hier.

Sous les feux des projecteurs depuis lundi soir, l'ex-ministre libéral a été impliqué dans un accident qui a toutes les apparences d'un cas de rage au volant.

Selon des avocats questionnés hier par La Presse, le comportement du politicien de 43 ans pourrait bien lui valoir une peine de prison. «Mais dans les cas de rage au volant, il faut demeurer prudent, car c'est toujours le résultat d'un duel entre deux personnes. Il n'y a jamais un seul et unique responsable dans ces tragédies», tempère le Dr Leon James, spécialiste de la psychologie de la conduite automobile à l'Université d'Hawaii, aux États-Unis.

Le drame, décortiqué minutieusement par les médias ontariens, aurait pour origine une simple altercation survenue dans la rue Bloor, vers 9h50, entre M. Bryant et le cycliste de 33 ans, Darcy Allan Sheppard. Pour une raison encore inconnue, le cycliste, messager à vélo, aurait frappé le capot de la Saab décapotable de M. Bryant avec son sac à dos, puis aurait tenté d'agripper le rétroviseur de la voiture alors que celle-ci se mettait en mouvement, rapportait hier le Globe and Mail.

D'autres témoins cités par le Toronto Star ont affirmé avoir vu la Saab décapotable rouler ensuite à grande vitesse, en direction inverse du trafic, avec M. Sheppard accroché à la fenêtre. La folle équipée du véhicule s'est terminée lorsque le cycliste est tombé et serait passé sous les roues arrière de la voiture. Le cycliste, qui a tenté de se mettre debout à plusieurs reprises alors que les ambulanciers lui portaient secours, a finalement succombé à un traumatisme crânien.

Après enquête, les policiers torontois ont officiellement déposé des accusations de conduite dangereuse et de négligence criminelle ayant causé la mort contre M. Bryant. Sous pression, ce dernier a démissionné hier de son poste au sein d'Invest Toronto, un organisme de développement économique relevant de la mairie de la Ville reine. «Je tiens à préciser une chose: je ne suis pas coupable des accusations très sérieuses qui ont été déposées contre moi», a-t-il cependant déclaré dans une lettre transmise au maire David Miller.

Escalade de violence

«À la lumière de ce que je sais, je peux dire que ce qui s'est produit, c'est un duel au cours duquel il y a eu une escalade de violence irrationnelle», avance le Dr Leon James, qui a écrit de nombreux articles scientifiques sur la rage au volant.

«Dans les cas opposant autos et vélos, il y a souvent un premier geste qui est fait par le cycliste - par exemple, jeter le contenu de sa bouteille d'eau par la fenêtre de la voiture - parce qu'il s'est senti en danger. Vient ensuite l'escalade», explique le spécialiste.

Même s'il était prouvé que la victime a aussi sa part de tort, l'ex-procureur de la Couronne aura fort à faire pour convaincre la justice de son innocence, estime l'avocat criminaliste Benoit Gariépy, spécialiste en infractions en matière de conduite automobile. «On pourrait bien imaginer qu'il plaide la légitime défense. Mais comment faire coller qu'il s'est senti menacé alors qu'il traînait un homme sur une centaine de mètres?»