Sans surprise, le ministère public fait appel de la toute récente décision de la Cour supérieure de mettre en liberté provisoire six membres «à la retraite» des Hells Angels qui font face à des accusations communes de meurtres, de complot, de trafic de drogue et de gangstérisme.

Dans sa requête en Cour d'appel, la procureure de la poursuite, Madeleine Giauque, soutient que le tribunal de première instance a passé outre à presque toutes les règles élémentaires du droit justifiant la détention des six motards en attente de procès.

 

Selon elle, le juge James Brunton a particulièrement mal évalué les risques de fuite des six accusés, la preuve à leur encontre, ainsi que la probabilité de leur condamnation. En ce sens, elle lui reproche d'avoir considéré comme «facteur déterminant» de sa décision le fait que les accusés ne faisaient plus partie des Hells Angels, peu importe qu'ils aient quitté de façon volontaire ou non.

Selon elle, le juge aurait dû davantage tenir compte des «circonstances violentes, préméditées et planifiées» ayant marqué les crimes commis durant la guerre des motards qui a sévi au Québec, de 1994 à 2002. D'après l'acte d'accusation, c'est la raison pour laquelle les six «retraités» des Hells Angels - Claude Berger, John Coates, Jacques Dumais, Bruno Dumas, François Goupil et Maurice Soucy - et une centaine de leurs «frères» se retrouvent aujourd'hui au banc des accusés.

Tout en ayant écarté erronément un grand pan de la preuve, estime Me Giauque, le juge Brunton aurait dû explicitement prendre en considération le soin que les Hells Angels ont mis à trouver des renseignements sur les Rock Machine et leurs associés qu'ils ont éliminés en vue de prendre le contrôle du trafic de drogue à Montréal, à Québec et ailleurs dans la province.

À en croire l'avocate de la poursuite, même s'il s'agit d'un dossier d'accusation complexe, le juge Brunton a erré en droit «en spéculant sur l'existence d'éventuels moyens de défense» des accusés. Il a fait de même en acceptant comme «facteurs atténuants» que les six accusés sans distinction n'ont pas participé au vote qui a donné lieu à la sanglante guerre contre les Rock Machine. D'après Me Giauque, John Coates est le seul des six à ne pas avoir voté, puisqu'il n'a jamais été un membre en règle. Il a quitté en 2002 alors qu'il était un «candidat» au sein des Hells Angels de London, en Ontario.

Finalement, Me Giauque reproche au juge de l'avoir restreint dans sa présentation de la preuve contre les prévenus. Elle avait annoncé avoir besoin de deux à trois semaines, mais le juge Brunton a tout réglé en six jours, y compris les interventions de la défense. Pour toutes ces raisons, l'avocate demande la réincarcération des six prévenus. Arrêtés dans le cadre de l'opération SharQc, à la mi-avril, Coates et les cinq autres Hells à la retraite ont été libérés le 19 août dernier. La cause sera présentée en Cour d'appel le 2 septembre prochain.