Le meurtre d'une femme par son conjoint, à Saint-Jean-de-Matha, doit faire changer les choses en matière d'intervention policière dans des cas de violence conjugale, croient plusieurs groupes de femmes, qui déplorent le manque de sensibilité des corps policiers face aux victimes de violence conjugale.

«Ça ne saigne pas beaucoup, aujourd'hui.» C'est le genre de commentaires que se permettent des policiers de la Sûreté du Québec qui interviennent dans ce type de situation dans la région de la Matawinie, souligne Louise Chaussé, intervenante au centre Au Coeur des femmes, de Saint-Jean-de-Matha.

 

Cette semaine, Mme Chaussé et ses collègues ont été secouées par un drame: la mort de Carmen Jobin, 66 ans, qui avait décidé de laisser son mari, Jean-Pierre, après 40 ans de vie commune. Mme Jobin a demandé à la Sûreté du Québec d'être escortée par un policier pour récupérer ses affaires dans la maison commune. Le policier, qui n'avait qu'un an d'expérience, a quitté la maison pendant quelques instants pour déplacer sa voiture afin de laisser place au camion de déménagement. Jean-Pierre Jobin a profité de ce bref intervalle pour poignarder sa conjointe, puis se suicider. Mme Jobin est morte des suites de ses blessures.

«Chez nous, la protection policière laisse souvent à désirer. Les policiers prennent ça à la légère. Surtout après deux ou trois plaintes, on dirait qu'ils ne prennent plus les femmes au sérieux», souligne Mme Chaussé. Les policiers ont parfois de curieux agissements dans les domiciles. «Quand les policiers sont intervenus chez elle, une femme nous a raconté qu'elle était à l'intérieur avec ses bleus et ses larmes et que son conjoint jasait dans l'entrée avec les policiers.»

Mme Chaussé n'est pas la seule à se plaindre des corps policiers. Clémence Champagne, de la maison d'hébergement La Traverse, à Joliette, abonde dans son sens. «Il y a une banalisation de la violence conjugale. Les policiers ont de la difficulté à faire la différence entre une chicane de ménage et la violence conjugale.»

Mme Champagne réclame qu'un protocole d'intervention précis soit adopté par la police à l'échelle du Québec, en collaboration avec les groupes de femmes. Louise Riendeau, du Regroupement des maisons d'hébergement, acquiesce. «Les policiers n'ont pas assez d'outils pour évaluer la dangerosité de certaines situations. Parfois, il n'y a pas eu de crime commis, mais la situation est quand même dangereuse.»

Mme Riendeau souligne qu'en général, les forces policières ont beaucoup évolué depuis 20 ans en ce qui a trait à la question de la violence conjugale. En 25 ans, le nombre de plaintes pour violence conjugale a triplé. «Ça montre que les policiers font mieux leur travail et que les femmes portent davantage plainte.» Mais, ajoute-t-elle, «des meurtres auraient pu être évités». Comme celui de Carmen Jobin.