Ils étaient 10, dans le logis de la rue Bonnivet, à Saint-Léonard, mais aussi bien leurs voisins d'en haut que leur voisine d'en bas disent que les Shafia formaient la famille la plus tranquille qui soit. Jamais de cris. À peine, parfois, une petite qui partait au pas de course dans le couloir. Et, il y a quelques mois, cette voiture de police à la porte.

«Au printemps, la plus vieille était tombée amoureuse d'un garçon qui était d'une autre nationalité que la sienne - un Pakistanais d'origine, je crois - et le père ne voulait pas qu'ils se fréquentent, raconte la voisine du dessous, Joyce Gilbert. La jeune fille avait fait une fugue pendant deux ou trois semaines et les policiers étaient venus.»

 

La jeune Zainab, âgée de 19 ans, est rentrée à la maison, les choses semblaient revenues à la normale, puis il y a eu cet «accident» dans le canal Rideau qui a décimé la famille. «Toutes les voisines, nous étions en larmes, nous pleurions avec eux. Il y avait une de ces tristesses dans la maison. Je vous le dis, en quelques jours, j'ai vu la mère vieillir de 10 ans, comme ça.»

Mme Gilbert se souvient des filles Shafia comme de filles réservées et polies. Aussi bien les filles que les garçons de la famille lui offraient de l'aide dès lors qu'elle arrivait avec des sacs d'épicerie. Les filles n'étaient pas voilées, selon Mme Gilbert. Leur mère, Tooba Yahya Mohammad, se voilait quand elle sortait de la maison.

«Le père, lui, était souvent absent, poursuit Mme Gilbert. Il partait tous les trois ou quatre mois pour Dubaï, où on nous avait dit qu'il vendait des voitures. Quant à celle qui nous était présentée comme la «tante», elle était toujours avec la famille, elle habitait là en permanence.»

Depuis leur arrivée au pays, il y a deux ans, les Shafia s'étaient très peu installés. La plupart de leurs boîtes et de leurs meubles sont toujours dans le garage.

Un autre voisin, qui a demandé l'anonymat, dit lui aussi que cette famille était vraiment très gentille. M. Shafia le saluait toujours bien bas, «avec une main sur son coeur». Quant aux filles, «elles étaient d'une grande beauté. Elles étaient si jeunes. C'est incroyable, ce qui est arrivé».

«Ils habitaient en dessous de chez moi, et même s'ils étaient si nombreux, dans leur appartement de trois chambres, ils ne faisaient vraiment pas de bruit, je n'entendais jamais quoi que ce soit», raconte un autre voisin, Jean-Luc Tremblay.

Le propriétaire de l'immeuble, Achille Canton, se souvient que les Shafia avaient signé le bail il y a deux ans avec un membre de leur famille, probablement le frère de Tooba Yahya Mohammad. Il n'a jamais eu ni plaintes ni problèmes avec ses locataires, qu'il ne voyait que lors de la collecte du loyer. «Mais le mois dernier, comme ils étaient en deuil, on n'est pas allé collecter le loyer», dit M. Canton.

Selon le Registraire des entreprises du Québec, Mohammad Shafia est propriétaire depuis un an d'une entreprise qui importe et distribue diverses marchandises, des vêtements aux matériaux de construction.