Les innombrables témoignages de soutien de ses collègues, la pétition de 598 noms et le long plaidoyer émotif de Louise Desnoyers elle-même n'ont pas ébranlé les certitudes du juge Michael Kupersmith, qui a imposé la peine maximale - dans les circonstances - de 15 ans à Mme Desnoyers, mercredi, au Vermont, pour le meurtre non prémédité de son fils de 8 ans. L'enseignante de 52 ans a noyé son fils dans le lac Champlain, le soir du 14 août 2006.

«Il est clair que Mme Desnoyers était une bonne enseignante. Elle a le soutien d'amis et de collègues. Mais ce n'est pas de sa vie d'avant qu'il est question ici. Il s'agit de sa responsabilité dans la mort de Nicholas», a fait valoir le juge Kupersmith.

Le magistrat de l'État du Vermont est persuadé que Mme Desnoyers savait ce qu'elle faisait quand elle a noyé son fils. Il en veut pour preuve le fait que, peu de temps après le crime, elle a avoué au psychiatre Jonathan Weker qu'elle n'avait pas voulu lutter avec Nicholas en entrant dans l'eau, mais qu'elle avait dû le faire parce qu'il se débattait. Selon lui, cette affirmation vient miner les conclusions de l'expert de la défense, le psychiatre David Rosmarin. Ce dernier est d'avis que Mme Desnoyers était en état de dissociation quand elle a noyé son enfant. Ce qu'elle voulait, c'était se tuer elle-même. Elle «se concentrait sur son propre suicide», a-t-il dit. Cet état de dissociation s'est produit alors qu'elle marchait sur la plage avec son fils. Elle s'est mise à revoir des images de ce qui s'était passé un peu plus tôt dans la journée, avec son conjoint, Réal Langlois. Il s'agissait d'une autre dispute pour le couple, qui battait de l'aile depuis au moins quatre ans. M. Langlois a alors annoncé qu'il voulait se séparer. Il lui a dit qu'il ne l'aimait plus, qu'il n'avait plus envie de la toucher depuis quatre ans, et qu'il se sentait soulagé de lui dire tout ça. Il criait qu'il voulait «la paix, la paix, la paix». Mme Desnoyers se bouchait les oreilles en racontant cela au psychiatre.

«Réal n'a pas vu dans quel état j'étais», a fait valoir Mme Desnoyers, quand elle a pris la parole, mercredi, peu avant la fin de l'audience. Tout en demandant pardon pour le geste qu'elle a commis, elle a lancé quelques blâmes à son ex-conjoint. Il l'a soutenue lors de sa première dépression, mais il n'a rien fait quand elle a connu d'autres épisodes dépressifs par la suite. Et il n'a jamais voulu aller consulter avec elle, demander de l'aide pour leurs problèmes de couple. On a été 30 ans ensemble, ce n'était pas toujours drôle», a-t-elle dit.

Mme Desnoyers ne s'explique pas son geste, et en parle comme d'une tragédie. «Je ne suis pas une meurtrière. Je ne veux pas penser qu'on me voit comme ça. Ce soir-là, je n'étais pas moi. J'étais hors de mon contrôle. J'étais dans un trou noir. Chaque jour je me pose la même question. Pourquoi tout est devenu noir, pourquoi j'ai pris sa vie ?» Elle dit souffrir énormément du fait que son autre fils, qui a maintenant 18 ans, ne veut plus de contact avec elle. Elle espère qu'il reviendra sur ses positions. «Je respecte le fait qu'il soit en colère. Je respecte le fait qu'il n'est pas prêt», a-t-elle expliqué.

Au sujet des événements, Mme Desnoyers se souvient qu'après la dispute, le soir du 14 août, son conjoint est parti au Costco avec leur fils aîné. Elle a décidé d'aller magasiner avec Nicholas pour calmer son stress. L'idée n'enchantait pas son fils. Alors elle a roulé, s'est retrouvée à Hemmingford. Elle a passé aux douanes de Rouses Point vers 21 h, et est allée à l'Isle La Motte, où ils avaient loué un chalet quelques années auparavant. Nicholas aimait beaucoup l'endroit. Elle lui a dit qu'ils allaient lancer des pierres dans l'eau. Ils se sont avancés vers l'eau. «La paix, la paix, la paix», les mots prononcés par Réal, se sont mis à résonner dans sa tête. Elle a entraîné Nicholas dans l'eau. Il faisait noir. Quand elle est revenue à elle, son fils flottait. Elle l'a attaché à une bouée. Pas pour qu'il reste immergé comme l'accusation le soutient, mais pour qu'il reste près d'elle, assure-t-elle. Elle a ensuite essayé de se tuer en se frappant avec des roches, en s'étranglant avec la courroie de son sac à main. Elle ne parvenait pas à se noyer. Elle est revenue sur la terre ferme. Elle s'est tailladée avec des ciseaux, a bu du lave-glace, s'est coupée avec un morceau de canette. Elle a été retrouvée mal en point, le lendemain matin, dans une petite remise, à Isle La Motte.

Mme Desnoyers a décidé de plaider coupable à une accusation réduite de meurtre non prémédité. Les avocats se sont entendus sur le fait que l'État ne demanderait pas plus de 15 ans, et la défense pas moins de 10. C'est ce que Me David Miller, de l'État du Vermont, et Me Robert Katims, avocat de la défense, ont plaidé. La décision finale revenait au juge, et il a choisi la plus lourde sentence. Il a aussi imposé une probation à vie à Mme Desnoyers. Elle pourra cependant revenir vivre au Canada en sortant de prison. Notons enfin qu'il a retranché trois ans de détention préventive, ce qui signifie que la peine à partir de mercredi est de 12 ans. Il lui est interdit d'avoir des contacts avec son ex-conjoint et son autre fils.

Mme Desnoyers s'est effondrée quand le juge lui a imposé sa peine : «Je veux mourir, je veux mourir», a-t-elle répété. Son avocat, Me Katims, a trouvé que la peine était sévère.

De nombreuses enseignantes qui ont côtoyé Mme Desnoyers au cours de sa carrière, notamment à la Commission scolaire des Affluents, ainsi que des amies étaient là pour l'appuyer. Elles ont formé un comité de soutien, et ont même réalisé une vidéo d'une demi-heure qui a été présentée au juge. Mme Desnoyers, qui est détenue dans l'aile psychiatrique d'un hôpital du Vermont, reçoit apparemment la visite de collègues ou d'amies à toutes les semaines. Personne de sa famille n'était cependant présent.