Le vol d'identité a fait 1,7 million de victimes au Canada l'an dernier. Qui sont les auteurs de ces crimes si fréquents? Rarement ceux que l'on imagine. Une équipe de chercheurs de l'Université de Montréal vient d'en brosser un portrait type qui ne colle pas aux idées reçues et commande à la population d'être plus vigilante.

Car le voleur d'identité serait en fait un délinquant bien «ordinaire», un quidam que l'on croise tous les jours dans la rue et qu'on a toutes les chances de côtoyer régulièrement au boulot. Ce n'est pas -sinon que très rarement- un jeune crack de l'informatique capable de pirater des réseaux bancaires et soutenu par le crime organisé.

Au contraire, le délinquant type agit seul la plupart du temps (deux accusés sur trois). Il est plus âgé que la moyenne des autres criminels et il utilise des techniques rudimentaires: le vol d'un portefeuille, de relevés bancaires dans les sacs-poubelles ou directement dans la boîte aux lettres, par exemple. Autre surprise, ce sont souvent des femmes: elles représentent près de 40% des délinquants, une proportion bien plus élevée que dans la majorité des autres catégories d'infractions. Sans doute parce ce crime ne requiert pas de faire usage de sa force physique, disent les auteurs de l'enquête.

«Ce ne sont pas des criminels de profession, mais des gens des classes moyennes, qui commettent ces crimes pour essayer de maintenir leurs revenus ou leur train de vie», explique Benoît Dupont, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en sécurité, identité et technologie de l'Université de Montréal. Le quart des vols sont signés par des professionnels et des salariés qui piratent à leur profit les renseignements personnels de leurs clients ou de leurs patients. Ce n'est pas du tout le résultat auquel le chercheur s'attendait. Et cela ne le rassure pas. Avec la crise économique, il prédit une hausse du nombre de ces crimes, d'autant plus qu'ils sont relativement faciles à commettre, possèdent un très haut rendement -26 000 $US de profits en moyenne- et que le risque d'être découvert est mince. «C'est l'un des crimes que la police a le plus de mal à élucider, en partie parce que la population porte rarement plainte», dit le chercheur.

Benoît Dupont a brossé ce portrait après avoir passé en revue 574 articles de presse publiés en quasi-totalité dans les journaux américains entre janvier et juin 2008, rapportant les arrestations et les procès de voleurs d'identité. Cette méthodologie comporte des faiblesses, reconnaît le chercheur. Mais il estime néanmoins que la situation observée au Canada est comparable à celle des États-Unis. «Les enquêtes menées auprès des victimes de fraude ont montré peu de différences des deux côtés de la frontière. Le constat devrait être semblable pour les auteurs.»

L'Institut de sécurité de l'information du Québec offre une série de conseils pour protéger son identité sur son site internet: monidentite.isiq.ca