Les policiers ont dressé hier matin le bilan de l'opération Borax, qui visait le démantèlement de réseaux de production, de distribution et d'exportation de cannabis contrôlés par la pègre asiatique. Au total, 106 des 196 suspects ciblés par la police, notamment la plupart des acteurs importants, ont été appréhendés.

Lors d'un point de presse au quartier général de la Sûreté du Québec (SQ), l'inspecteur Sylvain Joyal, de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), et le capitaine Martin Côté, de la SQ, ont résumé les différentes étapes de l'enquête menée contre les trafiquants, presque tous d'origine vietnamienne.

Depuis le début de cette enquête, qui s'est amorcée en 2005, les policiers ont, entre autres, saisi quelque 100 000 plants de marijuana et perquisitionné dans 151 lieux de culture, situés pour la plupart dans des résidences ou des locaux commerciaux. Seulement mardi, les policiers ont saisi 18 000 plants de cannabis et 400 000$.

Maisons transformées en plantations de cannabis

Les organisations ciblées, qui s'affichaient publiquement au sein de la communauté vietnamienne, transformaient des maisons en plantations de cannabis. Une conversion à risque. «Des modifications électriques peuvent s'avérer dangereuses, voire meurtrières, en raison des risques d'incendie et d'explosion. Ces installations dangereuses pouvaient se retrouver dans votre voisinage ou dans l'appartement au-dessus de chez vous», a souligné l'inspecteur Joyal.

Plusieurs prévenus venaient de l'Ouest canadien. Nombreux sont ceux qui ont d'ailleurs trempé dans des activités de même nature à l'autre bout du pays.

Au fil de leur enquête, les policiers ont ainsi levé le voile sur un trafic d'envergure. «Le réseau asiatique prenait de l'expansion et s'est étendu jusqu'à Québec», a indiqué le capitaine Martin Côté, un des principaux artisans de l'opération Borax.

Les réseaux gravitaient autour d'une douzaine de commerces d'équipements de serres, presque tous éparpillés en bordure de l'autoroute Métropolitaine. Ces commerces racolaient des cultivateurs par le truchement de publicités dans les journaux vietnamiens de la métropole. En plus de fournir l'engrais, l'équipement nécessaire à la culture de cannabis et l'installation, les commerces prodiguaient aussi des conseils sur la façon de faire pousser le cannabis.

La culture, de type organique, se faisait dans la terre, sans engrais chimique.

Selon les policiers, les cultivateurs exploitaient deux à trois maisons transformées en lieux de culture. «Chaque endroit pouvait abriter de 1000 à 1500 plants de marijuana. Certaines maisons étaient complètement envahies par le pot», a souligné le capitaine Côté.

Une fois à maturité, la marijuana était acheminée vers les 12 commerces, qui servaient de plaques tournantes. On y stockait des quantités de marijuana destinées aux marchés canadien et américain, aux régions de Halifax et de Boston notamment.

Comme les réseaux ne transportaient pas la drogue eux-mêmes, les commerçants collaboraient avec des membres d'autres organisations criminelles, des Italiens et des autochtones notamment, pour exporter les marchandises. En général, la marijuana prenait la route des États-Unis. Certains passeurs la faisaient transiter par les territoires autochtones de Kahnawake et d'Akwesasne.

Par ailleurs, deux agents immobiliers épinglés dans cette opération jouaient aussi un rôle clé dans ce trafic, en facilitant l'accès à des propriétés à leurs clients désireux d'aménager des plantations de pot sous leur nouveau toit.

Les policiers se sont aussi intéressés à une société exploitée par des Asiatiques qui se chargeait de récupérer les déchets de pot chez les cultivateurs.

La majorité des suspects qui ont comparu ont déjà été libérés sous caution. Malgré des accusations de production et d'exportation de drogue, personne n'a été accusé de gangstérisme.

Selon toute vraisemblance, ce commerce a permis la création de plusieurs petits réseaux indépendants et non d'une seule et même organisation structurée. «C'était plusieurs réseaux, plusieurs boutiques, mais il y avait des ramifications évidentes entre ces boutiques», a toutefois assuré le capitaine Côté.

L'arrestation de plusieurs des suspects est compliquée par le fait que certains changent constamment d'adresse. Mais les policiers estiment avoir épinglé les principaux suspects reliés à cette opération et entendent faire le nécessaire pour freiner l'expansion de la pègre asiatique. «C'est un fléau grandissant. Il y a maintenant des milliers de maisons ou d'endroits loués utilisés pour cultiver de la marijuana au Québec et au Canada», a résumé l'inspecteur Joyal.

De son côté, Revenu Québec a annoncé la saisie des biens de 10 Montréalais arrêtés durant l'opération. Ces personnes devaient 2,2 millions au fisc, sommes que le gouvernement entend recouvrer.

Borax en chiffres

> 800 policiers de la SQ, de la GRC et des corps policiers municipaux;

> 106 personnes arrêtées sur les 196 visées par des mandats d'arrêt;

> 100 000 plants de marijuana saisis depuis le début de l'enquête;

> Des perquisitions dans 151 lieux de culture de marijuana;

> 18 000 plants de marijuana, 395 kg en vrac et 400 000$ saisis mardi.