La douanière Nancy Cedeno et une coaccusée, Julie Châteauneuf-Fleury, ont tour à tour pris la barre pour se défendre, hier, à leur procès relatif à des importations de cocaïne pour le compte de la mafia montréalaise. Le troisième accusé, Jean-Marie Fritz Balmir, devrait signifier aujourd'hui au juge Claude Milette, de la Cour du Québec, s'il témoignera lui aussi.

Le but des accusés est de faire tomber le chef d'accusation de gangstérisme qui pend au-dessus de leur tête. Au premier jour du procès, le 19 mai, la douanière était prête à reconnaître avoir été corrompue, tandis que Julie Châteauneuf-Fleury a avoué sa participation à un complot raté visant à faire entrer de la cocaïne en provenance du Venezuela, en avril 2005.

 

Pour leur défense, les deux jeunes femmes admettent avoir eu des entretiens, chacune de leur côté, avec l'un des trafiquants - Omar Riahi dans le cas de Cedeno, et Ray Kahno dans le cas de Julie Châteauneuf-Fleury -, qu'il s'agissait d'affaires de drogue, mais elles n'ont jamais su ni même imaginé que la mafia était derrière tous ces trafics.

Interrogatoire soutenu

Pressée de questions pendant plus de trois heures par le procureur de la poursuite, Nancy Cedeno a dû s'expliquer sur plusieurs conversations plus ou moins explicites qu'elle a eues avec Riahi (il a plaidé coupable à toutes les accusations portées contre lui), et que la police a interceptées entre septembre 2005 et mars 2006. Ancien collègue de travail de Cedeno, Riahi a reçu de la douanière des cartes de déclaration préestampillée permettant aux messagers transportant la drogue de franchir les douanes sans encombres à l'aéroport Montréal-Trudeau.

«En six mois, vous ne lui avez jamais demandé ce qu'il voulait importer?» a souvent demandé Me Alexandre Dalmau. «Je savais que quelqu'un revenait avec les cartes, mais je ne savais pas ce qu'il rapportait. Je faisais confiance à Riahi, qui me disait de ne pas m'en faire avec ça. Il avait travaillé à la douane, participé à l'entraînement de la GRC, passé des examens à la police de Montréal et il était maintenant dans la police militaire, à Halifax. Il n'en fallait pas plus», a-t-elle dit.

Interrogé par son propre avocat, Me Robert Bellefeuille, Nancy Cedeno a déclaré qu'au pire, elle a pensé que Riahi importait, par exemple, des sacs à main contrefaits portant la griffe Gucci.

Relevant chaque détail du dossier, Me Dalmau a mis en preuve qu'elle avait continué d'aider Riahi, longtemps après avoir commencé à douter de ses agissements. «J'étais en dépression. Il n'arrêtait pas de m'appeler et je voulais m'en débarrasser», a-t-elle répondu sur un ton peu convaincant.

Un mauvais «match»

Pour sa part, Julie Châteauneuf-Fleury, qui est enceinte, a raconté devant le tribunal avoir rencontré Ray Kahno (il attend son procès) dans le cadre d'un «match». Elle venait de rompre avec son conjoint et elle cherchait un nouvel amoureux. Il s'était présenté sous le nom d'Alex, et leurs premières rencontres se sont faites dans la Porsche Cayenne du trafiquant. Très vite, elle a compris que le seul intérêt de Kahno était de la recruter pour son trafic de drogue. Elle est allée au Venezuela en avril 2005 avec une valise qui a été placée dans un avion et qu'elle devait récupérer à son retour à l'aéroport Montréal-Trudeau. Comme le coup a échoué, elle n'a jamais reçu un cent. Elle affirme avoir appris l'identité de Kahno lors de son arrestation, le 22 mai 2006.