Trois adolescents sans histoire et sans antécédents judiciaires seront accusés aujourd'hui du meurtre non prémédité d'une sexagénaire, agressée alors qu'elle attendait l'autobus à Montréal-Nord.

Les proches de la victime exigent une peine exemplaire, mais des copains des trois accusés, qui avaient passé la soirée avec eux, insistent sur le fait qu'il s'agit d'un «mauvais coup qui a mal tourné».

«Je veux que le monde sache que ce sont des gars chill et qu'ils ne l'ont pas fait exprès», a raconté Tommy (nom fictif), un adolescent qui affirme avoir parlé aux trois suspects moins de cinq minutes après l'agression.

«Les médias disent qu'elle a été sauvagement battue, mais c'est faux. Ils l'ont brassée, la petite vieille, mais je suis certain qu'ils n'auraient jamais voulu la tuer», a poursuivi l'adolescent de 14 ans.

Nuit bien arrosée

La soirée du 24 mai était censée être une soirée comme une autre pour le groupe d'amis de Montréal-Nord. Ce soir-là, une dizaine d'adolescents âgés de 14 à 16 ans se sont rassemblés dans un parc du quartier pour disputer une partie de basketball. Selon trois témoins, plusieurs membres du groupe ont consommé de la bière au cours du match.

La fête s'est ensuite transportée au domicile de l'un des accusés, dont la mère était absente pour la soirée. «Nous étions complètement saouls», a expliqué Olivier (nom fictif), 15 ans, également présent à la soirée.

Vers 22h30, les trois accusés ont quitté les lieux pour aller se balader. Une heure et demie plus tard, le trio a tenté de dérober le sac à main de Kim Ngu Lieu. La femme de 67 ans attendait l'autobus à l'intersection du boulevard Henri-Bourassa et de la rue Saint-Vital après son cours de danse en ligne.

Plongée dans le coma à la suite de l'agression, elle est morte deux jours plus tard à l'hôpital.

Pris de panique, les trois garçons âgés de 15 et 16 ans seraient retournés à la maison, non loin de la scène du crime, où leurs camarades se trouvaient toujours, et leur auraient alors tout raconté.

«Ils m'ont dit que la madame avait résisté, a expliqué Tommy. Mes deux amis, qui ont 16 ans, ont décidé de laisser tomber et ont traversé la rue. Mais celui de 15 ans est resté et lui a donné un coup de poing. Il l'a ensuite jetée par terre pendant que les deux autres avaient le dos tourné. Si elle avait juste donné sa sacoche, elle ne serait pas morte.»

Selon d'autres sources proches du dossier, les premiers examens de la dépouille de Kim Ngu Lieu ont démontré qu'il y avait peu de marques de violence sur son corps. Outre ses blessures à la tête, la femme de 67 ans n'aurait eu que des ecchymoses au bras, ce qui laisse croire qu'elle a retenu son sac.

«Je ne comprends pas pourquoi il a fait ça. Ce n'est pas un gars comme ça, il n'est jamais rien arrivé dans sa vie. Aucun d'entre eux ne fait partie des gangs de rue», a dit Olivier.

«Il était chez nous à la journée longue, c'était comme un frère. Ma mère le considérait comme son fils. C'est même elle qui l'a aidé à se trouver un avocat», a poursuivi Tommy en roulant une cigarette.

Selon nos informations, après l'agression, deux des suspects ont changé de vêtements et ont quitté la maison. Ils ont été interpellés par des policiers durant la nuit. L'un d'entre eux avait plus de 150$ dans ses poches. Le troisième suspect, âgé de 16 ans, a été appréhendé chez lui le lendemain matin.

«J'ai stressé quand j'ai vu les policiers, je ne voulais pas dénoncer mes amis», a dit Tommy.

En se rendant à la maison où les jeunes se sont réfugiés le soir du drame, La Presse a constaté qu'il s'agit d'un milieu modeste. Visiblement encore sous le choc, la mère du jeune homme a refusé de confirmer ou d'infirmer les propos des amis de son fils.

Lorsqu'il a été interrogé par les enquêteurs au Centre opérationnel le lendemain soir, Tommy a croisé l'un des deux suspects. «Il pleurait, a-t-il expliqué. Il se sent mal.»

Mardi, les trois adolescents ont été accusés de vol qualifié, de complot pour vol qualifié et de tentative de meurtre. Kim Ngu Lieu est morte après que les accusations ont été portées. C'est pourquoi les suspects seront accusés de meurtre non prémédité aujourd'hui en Chambre de la jeunesse.

«C'est vraiment niaiseux, ce qu'ils ont fait, a résumé Olivier. C'est plate que leur mauvais coup ait aussi mal tourné.»

L'adolescence, période d'impulsivité

Les amis des trois ados accusés du meurtre de Kim Ngu Lieu soutiennent que les suspects ont agi de manière irréfléchie. Hubert Van Gijseghem, psychologue spécialisé dans le développement des adolescents, a expliqué à La Presse que, à l'âge de 15 et 16 ans, l'impulsivité des garçons est plus élevée en raison des taux de testostérone record dans l'organisme.

«Je ne peux pas porter de diagnostic car je n'ai pas rencontré les trois jeunes», a précisé celui qui a souvent témoigné à titre d'expert psycho-légal.

«Plusieurs hypothèses sont possibles, mais les informations préliminaires dont on dispose démontrent qu'il pourrait s'agir d'un incident de maturation qui a mal tourné. À priori, on ne peut pas affirmer qu'il s'agit de trois délinquants.» Le psychologue explique que l'adolescence est une période à très haut risque.

«Quand je pense à ma propre adolescence, il y a des événements qui auraient pu mal tourner. Mais il est rare qu'une personne qui se fait prendre en soit à son premier délit. Le tribunal va devoir regarder cela à la loupe.»