La Cour suprême accepte d'entendre la cause opposant le journaliste du Globe and Mail Daniel Leblanc et l'agence de publicité Polygone, qui réclame l'identification de la source ayant mené aux révélations entourant le scandale des commandites.

L'appel sera entendu par le plus haut tribunal du pays le 21 octobre 2009, a écrit la Cour suprême dans sa décision, hier.M. Leblanc refuse de dévoiler l'identité de sa source, surnommée MaChouette, bien qu'il ait été sommé de le faire par le juge Jean-François De Grandpré, de la Cour supérieure du Québec. Après avoir échoué en Cour d'appel, le quotidien torontois s'est adressé à la Cour suprême pour contester la décision du juge De Grandpré.

Le Groupe Polygone, à qui le procureur général du Canada réclame 35 millions de dollars en remboursement d'une partie des sommes englouties dans le scandale des commandites, estime que la divulgation du nom de cette source est nécessaire à sa défense en cour. La firme de publicité, propriété de Luc Lemay, espère démontrer ainsi que le gouvernement était au courant des irrégularités dans le programme des commandites, bien avant d'intenter des procédures judiciaires contre les principaux acteurs concernés.

Épineuse question

La Cour suprême devra trancher sur l'épineuse question de la confidentialité des sources journalistiques. «L'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés comprend-il la protection des sources confidentielles des médias? Un média peut-il être contraint par un tribunal de divulguer des sources confidentielles, vu qu'il n'existe peut-être pas d'appel de plein droit?» s'interroge le plus haut tribunal du pays dans sa décision d'entendre la cause.

Selon le rédacteur en chef du Globe and Mail, Edward Greenspon, il s'agit d'une petite victoire dans la lutte pour protéger les sources journalistiques.

«La cause a d'importantes implications non seulement pour la liberté de la presse, mais aussi pour le bon fonctionnement de la démocratie, a estimé M. Greenspon, en entrevue à La Presse. Notre capacité à protéger nos sources est fondamentale dans une démocratie saine.» Le contraire, selon lui, porterait un préjudice important au monde journalistique.

«Si on veut que ces sources continuent à dénoncer les mauvaises pratiques, dans l'intérêt du public, elles doivent avoir confiance qu'elles seront protégées pour avoir eu le courage de briser le silence», a-t-il ajouté.

Une autre cause

L'annonce survient au moment où la Cour suprême s'apprête, dès ce matin, à entendre une autre cause susceptible de faire jurisprudence en matière de protection des sources. Le quotidien National Post en appelle de la décision de la Cour supérieure de l'Ontario, qui a sommé l'un de ses journalistes, Andrew McIntosh, de remettre à la Gendarmerie royale du Canada des documents obtenus d'une source confidentielle dans le dossier du «Shawinigate». La cause traîne depuis 2001. Sur la base des informations contenues dans ces documents, M. McIntosh avait révélé que l'ancien premier ministre Jean Chrétien était intervenu auprès de la Banque de développement du Canada pour qu'elle octroie un prêt à l'Auberge Grand-Mère, située dans sa circonscription de Shawinigan, se plaçant ainsi en conflit d'intérêts. Le gouvernement a toujours prétendu que le document était un faux.

Amnistie déboutée

Par ailleurs, la Cour suprême a rejeté la demande faite par des groupes de défense des droits de l'homme d'entendre la cause entourant des prisonniers afghans transférés par les autorités canadiennes aux forces de l'ordre afghanes, et qui auraient été victimes de torture. Ces organismes, dont Amnistie internationale, estiment que la Charte canadienne des droits et libertés s'appliquait à ces prisonniers qui se trouvaient sous la responsabilité du gouvernement canadien. Amnistie internationale a jugé que ce rejet par la Cour suprême constituait un «recul» pour les droits des prisonniers détenus partout dans le monde.