Montréal sera le théâtre d'une «guerre» entre groupes criminels cet été pour l'acquisition de territoires de vente de drogues laissés vacants par les Hells Angels arrêtés dans l'opération policière SharQc, prévient la Fraternité des policiers de Montréal. Et la police de Montréal, touchée par de récentes compressions budgétaires, manque de ressources pour les contrer, déplore le président du syndicat, Yves Francoeur.

«Sans vouloir être alarmiste», M. Francoeur estime que les compressions de 13,8 millions imposées ce printemps au Service de police de la Ville de Montréal auront des conséquences négatives sur les enquêtes sur des groupes criminalisés. «Nos policiers qui enquêtent sur la criminalité organisée sont très inquiets. Ils savent qu'il y aura une guerre de territoires cet été. Ils connaissent les individus et les groupes qui veulent prendre la place des motards, mais ils n'ont plus les moyens d'enquêter sur eux», a expliqué à La Presse, hier, M. Francoeur.

 

L'opération SharQc menée le mois dernier par la Sûreté du Québec a permis l'arrestation de la quasi-totalité des membres en règle des Hells dans la province. Les motards jouent un rôle majeur dans la vente de drogue, notamment la cocaïne, à Montréal.

Les compressions touchant la salle d'écoute électronique et les équipes de filature auront un «impact certain» sur les enquêtes, selon le syndicat. La salle d'écoute, ce service crucial où convergent tous les enregistrements audio et vidéo de surveillance, sera amputée de moitié. Une équipe de filature sera aussi retranchée. Cela s'ajoute au fait que le corps policier a de beaucoup réduit le recours au temps supplémentaire. «Malheureusement, les criminels ne travaillent pas de 9 à 5», dit M. Francoeur.

Les enquêtes sur des groupes criminalisés autres que les gangs de rue (priorité du SPVM) comme les groupes italiens, russes et asiatiques ont été mises sur la glace, au moins jusqu'en septembre, a déploré la Fraternité. Le syndicat craint que cela ne s'améliore pas d'ici les prochains mois. «Nous avons reçu des informations selon lesquelles la Ville voudrait couper 20 millions supplémentaires en 2010», selon M. Francoeur.

Priorité aux contraventions

Les policiers auraient aussi eu comme consigne d'accorder «la priorité» à la distribution de contraventions, une «entrée d'argent pour la Ville», dénonce le syndicat. Parmi les autres compressions, la patrouille nautique sera réduite de deux embarcations à une seule.

Cette sortie publique du président de la Fraternité des policiers survient au lendemain de la présentation du bilan 2008 du SPVM par le chef de la police, Yvan Delorme, aux élus de Montréal. Le taux des crimes contre la personne a augmenté de 10,3% par rapport à l'an dernier, une première hausse depuis 2000.

La direction du SPVM a décrété, hier, qu'elle ne répondrait plus aux questions des médias concernant les compressions budgétaires. Le SPVM lance la balle au responsable de la sécurité publique à la Ville de Montréal, Claude Dauphin.

M. Dauphin dit qu'il n'est pas en mesure de répondre aux «questions techniques» sur les compressions au SPVM, notamment concernant les enquêtes. Toutefois, il rappelle que le budget de la police a augmenté de 40% depuis que l'administration Tremblay est arrivée au pouvoir, en 2002. «Ce n'est pas de gaieté de coeur qu'on a demandé à nos services, dont la police, de faire des compressions totales de 115 millions cette année. Montréal n'a pas le droit de faire de déficit. On s'assure toutefois de toucher le moins possible aux services à la population», a indiqué M. Dauphin.