Les excuses présentées par la GRC n'ont pas suffi. La famille de Marie-Josée Fortin, cette skieuse québécoise qui a perdu la vie lors d'une expédition dans les Rocheuses en février dernier, a décidé de poursuivre en justice les services de secours pour négligence.

Gilles Blackburn est convaincu que la mort de sa femme aurait pu être évitée si la Gendarmerie Royale du Canada et deux services de secours de Colombie-Britannique avaient entrepris des recherches dès que les signes de détresse qu'il avait tracés dans la neige ont été aperçus.Gilles Blackburn, 51 ans, et Marie-Josée Fortin, 44 ans, se sont perdus le 15 février dernier après avoir emprunté un sentier non balisé dans les limites du centre de ski Kicking Horse, à Golden, en Colombie-Britannique. Ils ont tenté pendant sept jours de retrouver leur chemin, en vain. Le couple n'avait que deux barres granola pour se nourrir. Marie-Josée Fortin est morte d'hypothermie le 22 février.

Son compagnon n'a été secouru que deux jours plus tard, affaibli et souffrant d'engelures aux pieds.

Or, à deux reprises et alors que Mme Fortin était toujours en vie, des pilotes d'hélicoptère ont aperçu les larges S.O.S. que M. Blackburn avait tracés à flanc de montagne. Ils en ont informé les sauveteurs de la ville de Golden et du centre de ski Kicking Horse dès le 17 février. La GRC a été informée quatre jours plus tard, mais chaque fois, les sauveteurs n'avaient pas jugé utile d'enclencher des recherches puisque personne ne semblait manquer à l'appel dans les hôtels des environs. Ce n'est que lorsque M. Blackburn a été repéré par un troisième d'hélicoptère, le 24 février, qu'il a été secouru.

«Ils auraient dû lancer des recherches au sol ou au moins enquêter sérieusement sur la source et la signification des S.O.S. Leur négligence a causé la mort de Mme Fortin», peut-on lire dans la poursuite déposée hier à la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Gilles Blackburn y affirme aussi que la GRC et les services de secours de Golden auraient dû conclure que des skieurs étaient perdus puisque les signes de détresse avaient été aperçus dans un canyon sans issue. «Ils auraient dû savoir que leur inaction pouvait provoquer la mort ou des blessures chez les personnes qui avaient tracé les S.O.S.»

Gilles Blackburn réclame des dommages et intérêts pour les blessures physiques et psychologiques dont il a personnellement souffert au cours de cette mésaventure. Il a également déposé avec ses deux enfants une deuxième demande d'indemnisation pour «la douleur et la perte» entraînées par la mort tragique de Marie-Josée Fortin. Mais M. Blackburn assure qu'il souhaite d'abord faire en sorte que des leçons soient tirées de cette tragédie. «Je veux que ma démarche permette que de tels événements ne se reproduisent plus», a-t-il déclaré à La Presse.

La GRC a déjà fait son mea-culpa et reconnu qu'elle aurait dû commencer plus tôt les recherches. Des agents se sont aussi rendus au domicile de M. Blackburn, à LaSalle, pour lui offrir leurs excuses. «Cela ne m'a pas apporté de réconfort», a-t-il dit.

Une enquête indépendante a été ouverte à la suite de la mort de Mme Fortin.