«Ma fille en était à son quatrième ou cinquième vol. L'avion n'aurait pas dû se trouver dans cette zone ni à cette altitude. Il n'avait pas d'affaire à cet endroit.»

Au bout du fil, Neculae Preda a peine à retenir ses sanglots. Il vient de perdre sa fille cadette, Ana Maria. Joint en soirée à son domicile de Sherbrooke, M. Preda venait de l'identifier à la morgue.

 

Les plongeurs de la Sûreté du Québec (SQ) ont repêché le corps de la Montréalaise de 21 ans hier après-midi dans les eaux de la rivière Yamaska. Ana Maria Preda est morte noyée quand le Cessna 150 dans lequel elle se trouvait s'est abîmé lundi dans la rivière Yamaska, à Saint-Louis en Montérégie.

Le corps de son instructeur de vol, Raphaël Mazué, avait été repêché en fin de soirée, lundi. L'homme de 35 ans travaillait à l'école Air Richelieu, à Saint-Hubert, sur la Rive-Sud.

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada mène une enquête pour déterminer les causes de l'accident. Le Cessna, qui a été remorqué hier après-midi, sera analysé, a précisé Marc Butz, porte-parole de la SQ.

Selon les premiers éléments d'enquête, l'avion a heurté un fil téléphonique avant de basculer dans la rivière.

«Je n'accuse personne. Je laisse les organismes mandatés faire leur enquête. Mais je me questionne sur plusieurs points», a dit Neculae Preda, ingénieur à Hydro-Québec et ancien pilote d'essai professionnel en Roumanie.

«Pourquoi l'avion volait-il à cinq mètres du sol? Pourquoi? s'est-il questionné. En aviation, les règles sont écrites avec du sang. Et si on ne les respecte pas, voilà ce qui arrive.»

Le règlement canadien de l'aviation interdit aux pilotes de voler en deçà de 1000 pieds au-dessus de l'obstacle le plus élevé, sauf pour atterrir ou décoller. Des écoles de pilotage, dont celle du Centre québécois de formation aéronautique, à Chicoutimi, permettent toutefois de voler à 300 pieds d'altitude pour effectuer certaines simulations.

Or, des témoins rencontrés lundi ont affirmé avoir vu l'appareil voler à 100 pieds au dessus de la rivière Yamaska à trois kilomètres du lieu de l'accident.

«Les activités à basse altitude sont très risquées. À mon avis, le pilote ne devait pas être là, à moins qu'il ait eu une panne de moteur. Mais dans ce cas, il aurait survolé un champ, et non la rivière», a expliqué Alain Bourdon, qui enseigne l'aviation civile depuis 41 ans.

Neculae Preda, ancien champion roumain de voltige aérienne, écarte d'emblée la thèse d'une panne. «Le Cessna n'a pas de flotteurs, et si le pilote avait eu un tel problème, il aurait survolé la terre battue tout autour de la rivière», a-t-il dit.

Le Cessna s'est abîmé à une cinquantaine de kilomètres de l'école de pilotage. Un autre aspect qui préoccupe Alain Bourdon et le père de la victime, puisque Ana Maria n'en était qu'à sa deuxième semaine de leçons.

La SQ ignore pour l'instant qui pilotait, puisque l'appareil comprend deux manches de commande. «Ana Maria était une fille active, téméraire, qui aimait prendre des risques. Mais l'instructeur a une responsabilité par rapport à ça», a pour sa part indiqué Philippe Simard, ami de la victime.

Les dirigeants de l'école Air Richelieu n'ont pas rappelé La Presse, hier.