Mitraillé de questions par la Couronne, le psychiatre Louis Morissette a admis avoir menti à la cour, hier, alors qu'il témoignait à la demande de la défense au procès de Francis Proulx.

Cet aveu a créé un malaise dans la salle d'audience puisqu'il concerne la preuve consultée par le médecin pour préparer son témoignage. D'autant plus qu'en vertu du Code criminel, un témoin qui ment sous serment peut être accusé de parjure.

 

Toute la matinée, lors d'un contre-interrogatoire musclé, le procureur de la Couronne James Rondeau a attaqué la crédibilité du psychiatre de l'Institut Philippe-Pinel. C'est que le Dr Morissette a affirmé sous serment avoir écouté le CD du contre-interrogatoire de Francis Proulx chez lui le week-end dernier à Montréal, puis dans sa voiture lundi matin en route vers le palais de justice. Il a spécifié que le contre-interrogatoire était mené par une «voix de femme», probablement Me Annie Landreville, la collègue de Me Rondeau.

Or, ce CD enregistré la semaine dernière a été remis aux avocats seulement en fin de matinée lundi. Impossible donc que le psychiatre ait pu l'écouter durant la fin de semaine.

«Vous n'avez pas dit la vérité?» lui a demandé Me Rondeau. «Oui, j'ai menti là-dessus. Je me suis trompé», a admis le médecin psychiatre, acculé dans les câbles. Il s'est repris en disant avoir bel et bien écouté un CD ce week-end, mais lié à un dossier judiciaire de Chicoutimi.

«Avez-vous menti sur autre chose dans cette cause-ci?» a ajouté le procureur de la Couronne, insistant. «Non, pas à ma connaissance», a répondu le psychiatre, visiblement déstabilisé. Ce mensonge ne change rien à son rapport d'expertise, a tenu à préciser le médecin.

Selon ce rapport d'expertise, si Proulx n'avait pas pris d'Effexor, il n'aurait pas tué Nancy Michaud. Cet antidépresseur peut causer des pertes de jugement et d'inhibition chez une minorité de patients, a-t-il expliqué. Proulx ferait partie de cette minorité, «en raison de ce qu'il est comme personne, son historique familial de problèmes de santé mentale, son syndrome de la Tourette». Or, lorsque la Couronne lui a demandé de citer des études sur la question, le Dr Morissette a répondu «ne pas en avoir en tête»; que c'était de «connaissance de psychiatre».

Proulx, victime d'agressions sexuelles

Francis Proulx a été agressé sexuellement par un homme plus âgé à deux reprises, alors qu'il avait 16 ou 17 ans, a-t-on aussi appris, hier. Il s'est confié au psychiatre Louis Morissette lors d'une de leurs cinq rencontres. Or, cette agression n'est pas pertinente, selon le médecin. «Dans le cas de M. Proulx, ça n'a eu aucune influence sur ce qu'il est comme personne», a-t-il expliqué, contre-interrogé par la Couronne.

La Couronne a également relevé plusieurs contradictions dans le rapport du Dr Morissette. Selon le médecin, Proulx ne connaissait pas Nancy Michaud. Or, Proulx a grandi dans la même rue que sa victime. De plus, le médecin a écrit que l'accusé n'avait pas de rancoeur spécifique envers des gens de Rivière-Ouelle. Pourtant, Proulx avait confié à un policier infiltré vouloir faire sauter le village au complet. «Vous avez raison de souligner les contradictions, mais il m'a dit que ce n'était pas le fond de sa pensée», a répliqué le psychiatre.

Le Dr Morissette a témoigné durant deux jours à la demande des avocats de la défense.

Un expert en pharmacologie, Claude Rouillard, témoignera ce matin.

Proulx, 29 ans, est accusé du meurtre prémédité de Nancy Michaud, mère de famille de 37 ans. Le meurtre est survenu en mai dernier à Rivière-Ouelle dans le Bas-Saint-Laurent.