Steve Carbonneau ne prenait plus son lithium et était en plein délire quand il a mis le feu au bunker des Hells Angels et à un autre édifice de Sorel, le 18 octobre dernier. Hier, l'homme de 41 ans a été acquitté de toutes les accusations qui pesaient sur lui dans cette rocambolesque affaire, en raison des troubles mentaux qui l'affectaient.

En prononçant l'acquittement, la juge Manon Ouimet s'est rendue à la recommandation des avocats, Me John-Denis Gerols, pour la Couronne, et Me Marcel Guérin, pour la défense. Tous deux avaient en main le rapport d'un psychiatre de l'Institut Philippe-Pinel, le Dr Jacques Talbot.Au moment des faits, Carbonneau souffrait d'une psychose avec éléments paranoïdes, ce qui faussait sa perception de la réalité. Il ne pouvait distinguer le bien du mal, a conclu l'expert. Cela lui était déjà arrivé dans le passé. Notamment en 2000, alors qu'il avait été accusé pour avoir voulu faire sauter un bâtiment. En 2006, il avait été hospitalisé en psychiatrie pendant huit jours. Son état s'était amélioré avec la prise de lithium.

Mais voilà, Carbonneau a cessé de prendre ses médicaments courant 2008. Si bien qu'il était complètement désorganisé en octobre dernier. Dans son délire, Carbonneau s'était mis dans la tête que les Hells avaient causé du tort à son père, et à lui-même. Il pensait qu'ils l'épiaient et le poursuivaient en auto et à moto. Ils voulaient le tuer avec des revolvers, prétendait-il. Il se prenait aussi pour le président des Rockers (club école des Hells), et était persuadé que Maurice Boucher lui-même lui avait donné ses «patchs», a-t-on appris, hier. En filigrane, il y avait aussi une histoire de triangle amoureux, qui n'avait ni queue ni tête.

L'invincible

Avec le sentiment d'invulnérabilité qui l'habitait le soir du 18 octobre, Carbonneau a manifestement entraîné son oncle, Jacques Beaulieu, résidant de l'Abitibi chez qui il s'était réfugié depuis quelques mois, dans ce qui allait s'avérer une expédition punitive. Stéphane Blanchette, vieil ami de Carbonneau (ils ne s'étaient pas vus depuis neuf ans), aurait en quelque sorte été forcé d'accompagner les deux hommes, si l'on se fie aux dires de Blanchette.

Hier, Éric Lefebvre, enquêteur à la SQ, a raconté comment les incendies avaient été allumés. Pour un motif hautement nébuleux, le feu a d'abord été mis dans un immeuble à appartements situé au 116-118, rue Fiset. Sous le souffle le l'explosion, Carbonneau a pratiquement été projeté en bas des escaliers. Ensuite, vers 21h20, au volant d'un camion-citerne volé, Carbonneau a foncé dans les portes du bunker fortifié des Hells, au 153, rue Prince. À l'intérieur, il a vidé des bidons d'essence et tenté sans succès de mettre le feu. Il est alors sorti et s'est dirigé vers la camionnette où se trouvait son oncle, pour se munir d'un briquet. L'oncle a mis le feu à un gant, et Carbonneau est allé le lancer dans le bunker. Cette fois, ça a explosé. Carbonneau a tout de même pu quitter les lieux avec son oncle. Le bunker, qui n'était pas assuré, a complètement brûlé. Les trois hommes ont été arrêtés quelques jours plus tard.

Blanchette a toujours affirmé qu'il avait été contraint sous la menace de suivre Carbonneau, ce soir-là. Hier, Blanchette a obtenu que son propre procès se tienne à Sorel plutôt qu'à Montréal. Quant à Jacques Beaulieu, il doit revenir devant le tribunal en juin.

Steve Carbonneau restera détenu en institution psychiatrique jusqu'à ce qu'il soit jugé apte à retrouver sa liberté et qu'un tribunal administratif donne le feu vert. Actuellement, il se trouve à l'Institut Philippe-Pinel mais il devrait être transféré à l'Hôtel-Dieu de Sorel. Avec la médication, Carbonneau réalise ce qu'il a fait et il en est très affecté. Il se demande pourquoi on n'est pas intervenu pour l'arrêter. Quelqu'un aurait dû en parler à son père, à son médecin, et même à la police, a-t-il confié au psychiatre.