Richard et Irene Vollbrecht étaient sur le point de quitter leur domicile de Fremont, en Californie, quand le téléphone a sonné, le 20 février dernier. «Bonjour grand-papa, comment vas-tu?» a dit l'interlocuteur.

Richard ne reconnaissait pas vraiment la voix de l'homme, mais il s'est dit que ça ne pouvait qu'être son petit-fils de 19 ans, Alden. «C'est bien toi, Alden?» a demandé le retraité de 88 ans.

 

Richard Vollbrecht venait de commettre une erreur qui lui coûterait des milliers de dollars et une bonne dose de honte. L'homme au bout du fil n'était pas Alden, mais plutôt un voleur canadien. Et comme des centaines d'autres victimes, Richard venait de mordre à l'hameçon d'une arnaque de plus en plus répandue: la fraude des grands-parents.

Le soi-disant petit-fils lui a alors relaté qu'il avait eu un accident d'auto à Toronto alors qu'il conduisait en état d'ébriété et qu'il avait besoin de 3200$ pour payer sa caution pour sortir de prison. «Surtout, ne dis rien à mes parents. Ça les inquiétera pour rien», a-t-il conseillé.

À sa demande, Richard s'est rendu à un comptoir de MoneyGram, une société de transfert d'argent international. «À mon retour, l'homme avait laissé un message sur notre répondeur pour dire qu'il était sorti de prison et qu'il nous rappellerait le lendemain.» L'appel n'est jamais venu. Irene et Richard n'ont jamais revu la couleur de leur argent, qui a été retiré d'un point de service de MoneyGram en Ontario.

Ce couple californien est loin d'être la seule victime de ce télémarketing frauduleux. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) recense à ce jour 1050 plaignants au Canada et aux États-Unis, dont 80% victimes de la fraude des grands-parents. Le total de leur perte atteint 3,5 millions de dollars.

Perquisitions

Une semaine après avoir été jointe par La Presse à ce sujet, la GRC a mené 16 perquisitions, hier, dans des comptoirs de transfert d'argent MoneyGram et Western Union de l'ouest de Montréal. Des documents ont été saisis, et des employés, interrogés.

«Notre objectif est de déstabiliser un réseau international de fraudeurs par marketing de masse, a dit Kathy Brousseau, relationniste de la GRC. L'enquête est toujours en cours, et au terme de celle-ci, des accusations pourraient être portées.»

Les services de MoneyGram et de Western Union sont offerts dans des bureaux de poste, des épiceries, des pharmacies et des bureaux de change. Mme Brousseau n'a pas voulu préciser en quoi les employés des commerces visés pouvaient être impliqués dans le réseau.

Certains d'entre eux pourraient être de mèche avec les fraudeurs, soupçonne Gaston Laforge, analyste à Phonebusters, le centre d'appels antifraude du Canada. «Les gens qui retirent de l'argent au guichet de transfert doivent prouver leur identité pour retirer l'argent», souligne-t-il.

La société MoneyGram exige en effet une telle preuve, a confirmé hier une porte-parole de l'entreprise. Chez Western Union, le numéro d'identification donné au client qui envoie l'argent suffit.

Gaston Laforge conseille aux Canadiens de se méfier des appels et des courriels d'urgence de personnes affirmant être leurs proches. «Le meilleur moyen, c'est de poser des questions personnelles. Si l'interlocuteur trouve une excuse, vous saurez tout de suite qu'on veut vous arnaquer.»