Près de deux ans après l'assassinat de sa fille de 14 ans dans un tunnel de Rivière-des-Prairies à Montréal, la mère de Francesca St-Pierre vient de subir un nouveau choc.

Josée St-Pierre est «fâchée» et «bouleversée» d'apprendre que l'adolescent qui a tué sa fille a plaidé coupable à une accusation réduite de meurtre non prémédité, hier, au Tribunal de la jeunesse de Montréal. Mme St-Pierre aurait voulu que le jeune homme soit jugé pour meurtre prémédité, l'accusation la plus grave du Code criminel.

 

Mme St-Pierre est aussi en furie contre les centres jeunesse de Montréal. Elle menace aujourd'hui de les poursuivre. «Les centres jeunesse n'ont pas su protéger ma fille», a-t-elle dit à La Presse, hier soir, jointe chez une proche à Saint-Édouard, au sud de Montréal.

Le meurtrier, âgé de 15 ans à l'époque, et la victime vivaient au même foyer de groupe mixte du centre jeunesse de Montréal, spécialisé pour les adolescents aux prises avec des problèmes de santé mentale.

«En mars, plusieurs mois avant le meurtre, le jeune a tenté d'agresser sexuellement ma fille. Ils n'avaient même plus le droit de se trouver ensemble, seuls dans une même pièce. Francesca me disait qu'elle avait peur de lui», a raconté Mme St-Pierre, en marge de l'audience. Après avoir reçu ces confidences troublantes, Mme St-Pierre dit avoir porté plainte aux centres jeunesse de Montréal. «Comment ça se fait qu'il n'a pas été changé de foyer?» demande-t-elle depuis le drame. La mère n'avait plus la garde de sa fille depuis trois ans.

La demi-soeur de Francesca, Corinne Moreau, appuie Mme St-Pierre dans ses démarches. «On est bouleversées. La DPJ devra répondre à nos questions», a souligné Mme Moreau. Les centres jeunesse de Montréal ont refusé de commenter l'affaire, hier.

Francesca St-Pierre a quitté le foyer pour se rendre à la bibliothèque le 18 août 2007. Le meurtrier a aussi obtenu la permission de sortir du foyer ce jour-là. Le lendemain, le corps mutilé de l'adolescente a été découvert dans un fossé, près d'une piste cyclable de Rivière-des-Prairies. Elle a reçu au moins deux coups à la tête avec un «objet contondant», selon le rapport du pathologiste. L'arme du crime n'a jamais été retrouvée. «Un trauma crânien a causé la mort de la victime», a expliqué la procureure de la Couronne, Me Karen Ohayon.

»Je m'en foutais un peu»

Au tribunal hier, l'adolescent aujourd'hui âgé de 17 ans a dit qu'il voulait «se débarrasser» de l'adolescente. Debout dans le box des accusés, il était encadré par deux gardiens de l'Institut psychiatrique Philippe-Pinel. Le jeune homme, vêtu tout de noir, avait la voix aiguë d'un enfant.

«Mon intention était de lui faire une grave blessure, de m'en débarrasser. Je m'en foutais un peu», a-t-il expliqué au juge James Brunton, de la Cour supérieure. Le magistrat lui a posé plusieurs questions pour s'assurer qu'il comprenait son changement de plaidoyer. À l'origine, l'adolescent avait plaidé non coupable à une accusation de meurtre prémédité et devait être jugé dans les prochains mois.

«C'était mon intention de tuer Francesca St-Pierre», a précisé l'adolescent. Le juge voulait aussi s'assurer que l'adolescent n'avait pas été influencé par quiconque. «C'est pratiquement ma décision», a-t-il dit. «Pratiquement?» a sourcillé le juge. «C'est ma décision», a répondu l'ado.

Francesca St-Pierre souffrait du syndrome de la Tourette. L'adolescent avait aussi des problèmes de santé mentale. Depuis son arrestation, il est hospitalisé à l'Institut Philippe-Pinel. Le psychiatre Louis Morrissette lui a fait subir une évaluation psychiatrique, qui a été déposée en cour. Les résultats sont confidentiels. L'avocat de l'adolescent, Me François Dadour, n'a toutefois pas présenté de défense de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux.

En vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, il risque une peine maximale de quatre ans de placement en garde fermée suivi d'une période de surveillance de trois ans dans la communauté. Plusieurs membres de sa famille étaient présents hier, mais ils ont refusé de s'adresser aux médias.

Les plaidoiries sur la peine devaient aussi avoir lieu hier. Or, la Couronne a demandé un report puisque la mère de la victime était absente. Josée St-Pierre a assisté à toutes les étapes du processus judiciaire. Depuis quelques jours, la Couronne a tenté de la prévenir sans succès du dénouement de l'affaire. De son côté, Mme St-Pierre soutient ne pas avoir été mise au courant. Les plaidoiries en détermination de la peine auront lieu le 6 avril prochain.