Premier témoin entendu au procès de deux hommes de main du gang des «narcotorpilles», l'ancien trafiquant Pierre «Panache» Tremblay a relaté, hier, être passé dans le camp de la police parce qu'il a été traité injustement par le milieu interlope. En cours de route, il a vu deux de ses connaissances assassinées, dont son ami d'enfance, Yves Lessard, de Beauport.

Presque criminel de naissance - il avait à peine 11 ans quand il a commis ses premiers vols dans la région de Québec -, Tremblay, 52 ans, a surtout travaillé pour le compte du caïd Raymond Desfossés, qu'il a connu en prison en 1974. Quelques années plus tard, il a aidé Desfossés à démarrer un commerce de débosselage, à Trois-Rivières. «C'est moi qui volais le matériel qu'il avait besoin pour sa shop», a dit le témoin, se targuant d'avoir fait des cambriolages un peu partout au Québec, mais aussi au Nouveau-Brunswick et en Alberta. Il se faisait principalement une spécialité des vols de coffres-forts.

 

«C'était dans le temps qu'il n'y avait pas de cartes de débit et de guichets automatiques, les commerçants mettaient l'argent dans des coffres. Il y avait plein de cash et un peu de chèques», a-t-il souligné. Petit revendeur de drogue assez prolifique, Tremblay était endetté jusqu'au cou en raison de sa propre consommation de cocaïne, de haschisch et de drogue chimique quand il s'est joint au clan de Raymond Desfossés, en 1984. «Il a épongé la dette de 30 000$ que j'avais avec un autre trafiquant. En échange, j'achetais la drogue de lui, mais ça pas pris de temps que je lui devais 50 000$», a expliqué Tremblay.

C'est à ce moment, à ses dires, que Desfossés a sollicité son aide pour fabriquer de fausses cartes de sport comme celles que l'on trouve dans les paquets de gomme, très prisées des collectionneurs. «Nous devions en imprimer pour quelques millions de dollars, mais le client américain, à Detroit, nous a laissé tombés», a-t-il dit. Toujours aussi désireux de ravoir ses 50 000$, Desfossés lui aurait alors demandé d'aller aux États-Unis et de ramener une cinquantaine de kilos de cocaïne à bord d'une voiture munie d'un compartiment secret. Le coup ayant réussi, Tremblay a par la suite multiplié les trafics en mettant sur pied sa propre équipe de passeurs.

«On faisait entrer de 50 à 60 kg de cocaïne à la fois. Une semaine, on pouvait faire deux ou trois voyages, une autre, on en faisait un seul, ça dépendait», a-t-il répondu, à la demande de Me François Blanchette, de la poursuite. «Cela a duré à peu près de la fin de 1986 jusqu'au début de 1988. C'est là que je me suis mis riche», a enchaîné Tremblay, précisant qu'il touchait généralement 1000$ le kilo. Des «raisons diplomatiques», selon son expression, l'ont amené à laisser la place à un trafiquant qui devait plus de 500 000$ à Desfossés.

Déterminé, Tremblay s'est alors tourné vers des pilotes de brousse de la région de Québec pour faire entrer en catimini une cargaison de 206 kg de cocaïne à bord d'un hydravion. Après maintes péripéties, la marchandise est arrivée à bon port, mais il manquait 12 kg. Sommé de s'expliquer, Tremblay a été convoqué dans un hôtel où étaient rassemblés Desfossés et une vingtaine de personnes associées au gang de l'Ouest, dont leur chef Allan Ross, alors activement recherché par les autorités de la Floride, ainsi que Louis-Jacques Deschênes et Adrien Dubois, de la célèbre famille de Saint-Henri.

Incapable d'expliquer la disparition de 2 des 12 kg de cocaïne, il est tombé en disgrâce. Il a su la vérité 10 ans plus tard quand il a été arrêté et accusé, en avril 1999. Il avait été trahi par un des pilotes de l'hydravion.

Après sa sortie de prison, Tremblay s'est mis à table à son tour en 2004. Il était alors en libération conditionnelle, et la GRC l'a surpris dans un ingénieux complot d'importation de 52 kg de cocaïne. La drogue était cachée dans des tuyaux en forme de torpilles vissés sous la coque d'un bateau en provenance d'Amérique du Sud. La saisie a eu lieu dans le petit port de Belledune, au Nouveau-Brunswick.

Au procès qui s'est ouvert hier, au palais de justice de Montréal, Tremblay est le principal témoin à charge contre les frères Frédérick et Marc-André Brind'Amour. Âgés de 29 et 32 ans, les deux accusés, qui sont en liberté, auraient participé au complot en transportant le lourd équipement de plongée sous-marine utilisé pour récupérer la drogue sous le navire.

L'audience se poursuit aujourd'hui devant le juge Claude Parent.