«Elle a dit: «Si je vous aime vraiment, je dois vous laisser partir. Si je vous aime vraiment, je dois continuer à vivre, avoir des projets, et être heureuse même si vous n'êtes plus là».»

Les traits tirés, visiblement secoué, l'abbé Raymond Gravel s'est adressé aux journalistes après les funérailles d'Olivier et Anne-Sophie Turcotte, 5 ans et 3 ans, retrouvés morts le 21 février dans la résidence familiale à Piedmont. La cérémonie intime était réservée aux proches, la famille a demandé que les médias restent à l'écart.

 

L'ancien député du Bloc québécois, qui n'est pas un proche de la famille, a présidé la cérémonie qui s'est tenue hier midi au Complexe funéraire des Trembles, dans l'arrondissement de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles. La mère des enfants, Isabelle Gaston, a souhaité une cérémonie non traditionnelle. Des chansons de Dora l'exploratrice, de la chanteuse pop Marie-Mai et de la Compagnie créole - qu'affectionnaient les deux enfants - ont été diffusées. À l'issue de la cérémonie, une dame est sortie avec deux ballons qui ont été lâchés dans le ciel.

L'autopsie réalisée sur le corps des deux enfants a révélé qu'ils avaient été poignardés. Leur père, Guy Turcotte, a été retrouvé lourdement intoxiqué sur les lieux du crime. Le couple de médecins du Centre hospitalier de Saint-Jérôme - il est cardiologue, elle est urgentologue - était séparé depuis quelques semaines. Guy Turcotte a été accusé du meurtre de ses deux enfants et doit retourner en cour le 30 avril. Il a quitté l'hôpital et est maintenant gardé dans un centre de détention.

Le prêtre et la mère des enfants ont d'ailleurs eu une pensée pour le père. «J'ai prié aussi les enfants d'aider leur père, a dit Raymond Gravel. Isabelle aussi a demandé aux enfants d'aider leur père parce qu'il en a besoin, parce qu'il est dans les ténèbres, et qu'il avait besoin de lumière.»

Raymond Gravel a tenté, sans succès, de parler au père des enfants avant la cérémonie. Il compte persister dans sa démarche. «Je veux le voir absolument. Pas pour le juger, mais pour l'aider, si possible. Ne serait-ce que le réconforter.»

«C'est difficile de savoir pourquoi c'est arrivé, a concédé M. Gravel. Elle le disait: c'était le meilleur père du monde pour ses enfants. Il y avait une détresse, mais ce qui est arrivé, on ne le sait pas encore et ce n'est pas à moi de répondre à ça. J'ai de la compassion pour cet homme, je crois qu'il en a besoin aussi.»

Que retenir d'une pareille tragédie? «Il faut aimer plus, et davantage, croit M. Gravel. Et aimer mieux peut-être, dans certains cas. L'amour peut avoir raison de tout, ça conduit même au pardon.»

«Si ça peut aider les parents à aimer encore plus leurs enfants, je pense que la mort d'Anne-Sophie et Olivier n'aura pas été inutile. Si ça peut rapprocher les parents des enfants et unir encore plus les familles, tant mieux.»

Le prêtre et la mère des enfants ont été les seuls à prendre la parole au cours de la cérémonie qui a duré une quarantaine de minutes. M. Gravel a loué le courage de Mme Gaston. «Elle a parlé de son petit garçon qui aidait beaucoup les autres quand il faisait de la raquette. Et de sa fille, qui jouait parfois à être malade pour se faire soigner par sa mère médecin. C'était touchant et émouvant. À la fin, elle a dit: «Si je vous aime, il faut que je vous laisse partir. Il faut que je refasse ma vie, que j'accepte d'être heureuse, au nom de l'amour».»