Le lieutenant Raymond Neveu, accusé de menaces de mort ou de lésions corporelles à l'endroit de son supérieur, se dit victime d'une vendetta par la direction de la Sûreté du Québec. Il croit que son procès va mettre en lumière le fait que la culture de la SQ n'a pas changé depuis l'enquête de la commission Poitras, en 1999.

Le juge Lawrence Poitras avait fortement réprouvé l'omerta qui régnait dans ce corps de police lorsque survenaient des accrocs au Code criminel et aux règlements internes. Depuis, la loi oblige les policiers à dénoncer ces accrocs, mais ceux qui le font risquent encore d'en payer les conséquences, dit M. Neveu.

 

«C'est exactement ce qui m'est arrivé», affirme le lieutenant, qui a plus de 20 ans d'ancienneté dans la SQ. Lors de son enquête préliminaire, le juge Michel Parent a émis une ordonnance de non-publication pour tout ce qui concerne la preuve soumise à la cour. Nous ne pouvons donc pas révéler les détails du dossier.

Cependant, M. Neveu accuse ouvertement la SQ d'avoir voulu étouffer les agissements répréhensibles qui sévissaient au poste de Sept-Îles et d'avoir cherché à le faire taire, lui, parce qu'il les dénonçait. «En 2003, un rapport de vérification interne avait dressé un bilan très négatif sur le poste de Sept-Îles, a-t-il dit à La Presse. J'ai été envoyé là-bas en 2004, comme adjoint au directeur du poste. J'avais entre autres le mandat de contribuer à remettre les choses en ordre.

«Je n'ai jamais pu obtenir le rapport de vérification. On me mettait des bâtons dans les roues. Je n'ai même pas réussi à avoir les clés de la salle d'exhibits, où sont conservées les pièces à conviction. J'ai pu y entrer seulement deux fois, dont une fois pour y chercher des enveloppes de drogue qui devaient être présentées au tribunal. On n'a jamais trouvé ces enveloppes. Tout traînait partout dans cette salle, y compris les armes à feu.

«J'ai constaté plusieurs autres irrégularités. J'en ai fait part dans un rapport, que j'ai envoyé à la direction de la SQ en septembre 2005. C'est là que les problèmes ont commencé pour moi. Le climat de travail est devenu insoutenable. On m'a même laissé conduire une voiture, en sachant qu'elle était remisée, avec des freins défaillants. J'aurais pu me tuer. J'ai demandé un transfert dans une autre ville, mais on me l'a refusé.»

Le lieutenant Neveu a été arrêté en mai dernier au volant de sa voiture et accusé d'avoir proféré des menaces de mort ou de lésions corporelles. Il a passé une nuit en prison. Sa femme raconte qu'un agent s'est mis à pleurer quand il s'est présenté à la résidence de M. Neveu pour réclamer ses armes à feu personnelles. «Il savait que l'arrestation était injuste, mais il était obligé d'obéir aux ordres», nous a-t-elle dit. Elle ajoute qu'un jour, en décrochant le téléphone chez elle, elle a entendu des conversations qui se tenaient au poste. «On était sous écoute», dit-elle.

À la même période, des citoyens ont informé la SQ qu'ils avaient apporté leurs armes au poste, mais que celles-ci n'avaient manifestement pas été détruites, puisqu'on leur demandait encore de les enregistrer. Une plainte officielle a été déposée par l'un d'eux. Selon M. Neveu, un des policiers faisant l'objet d'une enquête avait créé un site internet pour inviter des citoyens à communiquer avec lui personnellement s'ils voulaient se débarrasser de leur arme.