Les adolescentes qui ont vécu une enfance difficile sont des cibles de choix pour les proxénètes. Le plus récent exemple de cette triste réalité: la jeune autochtone qui a témoigné, hier, au procès des frères Sawab au palais de justice de Longueuil.

Le procès des frères Rabii, Youness et Youssef Sawab, ainsi que de Kevin Georges Sorel, s'est ouvert lundi. Ils sont accusés de proxénétisme, d'avoir exploité des mineures et de vivre des fruits de la prostitution. Les quatre hommes, tous dans la vingtaine, auraient fait quatre victimes en 2006. Les frères Sawab ont hébergé les adolescentes au domicile familial à La Prairie, sur la Rive-Sud, où vivaient leurs parents et au moins une enfant, selon la preuve de la Couronne.

 

Sanglots et trous de mémoire

La première victime a rendu un témoignage ponctué de sanglots et de trous de mémoire, hier. La jeune femme, aujourd'hui âgée de 18 ans, avait 16 ans au moment de sa rencontre avec les frères Sawab. Elle avait déjà de graves problèmes de consommation de marijuana et de speed. Elle vivait depuis trois ans dans un centre d'accueil. Son père est mort asphyxié par le monoxyde de carbone de sa motoneige. Sa mère a eu des problèmes psychiatriques.

Avec une copine, elles ont décidé spontanément de fuguer du centre d'accueil, le 19 octobre 2006. Sans argent ni endroit où aller. La soeur de cette copine leur a refilé le numéro de téléphone des frères Sawab. Après un simple coup de fil, un chauffeur est venu les chercher à Drummondville pour les amener à La Prairie.

Les trois frères ont installé les filles dans le sous-sol. Dès le lendemain de leur arrivée, les deux jeunes filles ont reçu de nouveaux vêtements sexy et ont été séparées. La première victime a été envoyée chez Kevin Georges Sorel, à Longueuil, alors que la seconde est restée chez les Sawab.

La jeune autochtone a dit à plusieurs reprises, hier, avoir été menacée à mots couverts par le benjamin des frères Sawab, Rabii, 20 ans. «Rabii me répétait de faire ce que j'avais à faire, sinon il arriverait quelque chose à mon amie», a-t-elle expliqué.

À sa première soirée chez Kevin Georges Sorel, elle a dû faire une fellation à un inconnu et a subi un viol «très douloureux», a-t-elle indiqué, non sans verser plusieurs larmes. Le lendemain, elle s'est enfuie vers le métro Longueuil, inquiète du sort de son amie. «J'avais peur que mon amie se fasse descendre», a-t-elle témoigné. Une policière a remarqué sa détresse et l'a conduite au poste de police.

Identification ratée

La jeune femme, visiblement fragile, n'a pu identifier Kevin Georges Sorel, hier. L'accusé était assis dans la salle d'audience à côté d'un autre jeune, habillé et coiffé de manière semblable. C'est ce dernier qu'elle a montré du doigt. Elle n'a pas réussi non plus à identifier Rabii Sawab, qui ressemble énormément à ses deux autres frères, des jumeaux.

En contre-interrogatoire, l'avocate de la défense, Josée Goulet, a insisté sur le passé de prostituée de la victime. La jeune fille a commencé à danser nue à l'âge de 14 ans. Elle a aussi fait le trottoir dans le centre-ville de Montréal, en plus de travailler comme escorte. Son contre-interrogatoire se poursuit aujourd'hui. La durée prévue de ce procès devant la juge Ellen Paré est de cinq jours.