Les menaces au kirpan et à l'aiguille à cheveux n'ont pas eu lieu. C'est un complot ourdi par deux garçons jaloux, et alimenté par les préjugés de leurs parents. Voilà, en résumé ce que Me Julius Grey a plaidé, hier, pour défendre le jeune sikh de 13 ans, accusé de voie de fait armée sur deux élèves de son âge.

Les victimes alléguées sont des jumeaux de 13 ans, qui souffrent d'un retard de croissance et d'adaptation en raison de leur naissance très prématurée. Ils fréquentent la même école secondaire que le jeune sikh, mais ne sont pas dans la même classe. Les incidents sont survenus le 11 septembre dernier, pendant la pause du midi, hors de l'école. Les jumeaux marchaient dans la rue, derrière trois autres élèves: un ami à eux (le seul qu'ils ont à l'école), un autre garçon, et l'accusé.

 

Mécontent d'être ainsi suivi, le jeune sikh aurait sorti son kirpan et l'aiguille qui lui sert à rentrer ses cheveux dans son turban, pour menacer les jumeaux, selon ces derniers. Le jeune sikh reconnaît pour sa part avoir invectiver les jumeaux pour qu'ils cessent de le suivre, mais soutient qu'il n'a pas sorti son kirpan, ni fait de menaces avec son aiguille à cheveux. L'autre garçon reconnaît avoir poussé un des jumeaux, qui est tombé par terre. Ce garçon n'a cependant pas été accusé.

Me Grey, qui a défendu le port du kirpan à l'école et qui a obtenu gain de cause en Cour suprême, en 2006, croit que la présente cause n'aurait jamais dû se retrouver au Tribunal de la jeunesse. Il y voit une banale querelle de gamins à l'école. «La raison d'être de cette cause, malheureusement, c'est que quantité de personnes n'ont pas avalé la décision de 2006, et le kirpan continue de les énerver», a-t-il dit, hier, au juge Gilles Ouellet.

«Ce n'est pas un débat sur le port du kirpan à l'école», a rétorqué la procureure de la Couronne Sylvie Lemieux. Cette dernière est persuadée que les jumeaux ont dit vrai, d'autant plus que le kirpan était mal enveloppé quand, après l'incident, le jeune sikh a été contraint de le sortir au bureau de la directrice, ce fameux jour de septembre. Par ailleurs, elle se demande quel intérêt les jumeaux auraient eu d'inventer une telle histoire. «Aucun intérêt, dit-elle. Ne pas les croire serait leur attribuer une capacité de comploter.» Elle a aussi fait ressortir le fait que le jeune accusé a une mémoire défaillante sur les éléments qui vont contre lui, par exemple, sur la manière que sa mère utilisait pour envelopper son kirpan.

Fait à noter, dans la religion sikhe, le kirpan vient avec le baptême. Dans le cas qui nous occupe, le jeune accusé a été baptisé le 30 août dernier, soit une dizaine de jours avant l'incident. Chaque matin, sa mère enveloppait le kirpan dans un linge qu'elle enserrait ensuite avec des élastiques, puis le remettait à son fils pour qu'il l'apporte avec lui à l'école. Quand il revenait de l'école, elle le déballait. Après l'incident, le 11 septembre dernier, elle a cousu le linge autour du kirpan. Pas par mesure de sécurité, mais pour éviter que les mains de n'importe qui le touchent, a-t-elle fait valoir lors de son témoignage. Le kirpan est considéré comme un objet religieux et représente un puissant symbole pour les sikhs. En ce qui concerne les cheveux, les sikhs ne les coupent pas et les rentrent dans leur turban. Même chose pour la barbe, qu'ils attachent sous leur menton avec des épingles à cheveux, pour la faire paraître plus courte. Plusieurs membres de cette communauté ont assisté à l'audience, hier.

Soulignons enfin que le juge Ouellet a mis la cause en délibéré. Il rendra sa décision le 15 avril prochain, à 14h.