L'un des chefs du clan des «Narcotorpilles», Sarto Berthiaume, de Pointe-Calumet, a été condamné mercredi, au palais de justice de Montréal, à 12 ans de prison. Son associé, Gilbert Kelly, de l'Île-des-Soeurs, un autre trafiquant de longue date, est le seul membre de l'organisation toujours en fuite.

Le gang doit son nom à l'audacieux stratagème utilisé pour importer de la cocaïne colombienne par voie maritime: les contrebandiers cachaient la drogue dans un tuyau métallique en forme de torpille qu'ils fixaient solidement à la coque de charbonniers en provenance du Venezuela. Au Canada, des plongeurs récupéraient la précieuse poudre blanche.

Devant le juge Claude Leblond, qui préside l'interminable procès pour fraude de l'homme d'affaires Vincent Lacroix, Berthiaume s'est reconnu coupable de l'importation de 134 et 52kg de cocaïne, de trafic de marijuana et de contrebande de cigarettes. Au moment de son arrestation, le 7 décembre dernier, Berthiaume et son groupe préparaient par ailleurs l'entrée clandestine «d'au moins 50kg de cocaïne» dans une «torpille» dans le port de Sept-Îles, sur la Côte-Nord.

Deux cargaisons saisies

Les deux cargaisons de cocaïne envoyées par bateau ont été saisies, l'une à Puerto Bolivar, en Colombie, et l'autre dans le port de la petite ville minière de Belledune, au Nouveau-Brunswick. Dans le premier cas, en octobre 2004, la drogue est parvenue à destination, mais les plongeurs de l'organisation n'ont pu la récupérer à cause des eaux trop agitées de la baie des Chaleurs. Ils croyaient pouvoir se reprendre à Sept-Îles, où le cargo devait faire une autre escale, mais il ne s'y est jamais rendu en raison d'un conflit de travail qui a éclaté à la compagnie Iron Ore. Le Peljesac est tout simplement retourné en Colombie, où les autorités sont tombées des nues en découvrant la torpille sous la coque. Dans le cas de la saisie des 52kg, deux mois plus tard, les trafiquants ont été trahis par un agent à la solde de la GRC.

«S'il y avait eu un procès et qu'il y avait eu un verdict de culpabilité, soyez assuré que la peine aurait été beaucoup plus élevée», a déclaré le juge Leblond, tout en se ralliant à la suggestion commune des avocats de condamner Berthiaume à 12 ans de prison. Moins le temps de la détention préventive qui compte en double, il lui reste 10 ans et demi à purger.

Berthiaume s'est aussi vu confisquer un peu plus de 20 000$ en espèces. Le ministère public entend aussi mettre la main sur une somme de 121 000$ qui dort dans une banque de l'île anglo-normande de Jersey.

Berthiaume et son fidèle acolyte Gilbert Kelly ont été arrêtés et condamnés pour les mêmes raisons, en 1996. Sitôt sortis de prison, ils se sont remis au boulot.

À en croire les documents judiciaires, ils contrôlaient presque toute la chaîne de distribution,

de l'importation jusqu'à la vente au gros et au détail. Quand ils manquaient de cocaïne, ils s'approvisionnaient auprès d'un proche de Raymond Desfossés, du gang de l'Ouest. Le caïd de Trois-Rivières est sous les verrous depuis l'automne 2004.

Célibataire âgé de 57 ans, Berthiaume parle espagnol et raffole de bonne chère, d'art et de voyages. Durant les deux ans de l'enquête, a fait valoir Me François Blanchette, substitut du Procureur général du Canada, l'accusé est notamment allé en Italie, en Autriche, au Venezuela et en République dominicaine, où il possède un luxueux condo qu'il a fait construire à la fin des années 80. Comme sa maison de Pointe-Calumet, cette propriété n'a pu être saisie, car Berthiaume a fait la preuve qu'il a reçu deux héritages ces dernières années.