Considérant que la juge Sophie Bourque a «erré en droit», le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a porté en appel, hier, la décision de la magistrate de libérer cinq jeunes hommes d'une accusation de meurtre.

La juge Bourque a ordonné le 12 janvier dernier la suspension complète et définitive de l'accusation en raison du comportement de la Couronne dans le dossier. Quatre des cinq accusés du meurtre de Raymond Ellis étaient détenus depuis leur arrestation en juin 2006. Ainsi, John Tshiamala, Ernso Théobrun, Evens Belleville, Cleveland Alexander Scott et McClee Charles ont-ils été libérés le jour même.

 

«Le DPCP est d'avis que le tribunal a erré en droit en concluant qu'à défaut d'arrêter les procédures contre les accusés, une atteinte à l'intégrité du système de justice en résulterait en raison du comportement de la poursuite, et qu'aucun autre remède n'était disponible afin de leur garantir un procès équitable», écrit le DPCP dans un bref communiqué publié hier matin. Le DPCP demandera à la Cour d'appel du Québec d'ordonner la tenue d'un nouveau procès.

Il y a tellement eu de rebondissements dans ce procès que la défense l'a baptisé le «cas Star Trek». L'avocat d'Ernso Théobrun, Me Joseph Laleggia, n'est pas surpris par cette demande d'appel. «Ce n'est pas étonnant compte tenu de l'importance et du caractère unique du dossier», a dit Me Laleggia qui ne compte pas défendre son client en Cour d'appel.

Tous dans la vingtaine, les cinq jeunes hommes étaient sortis du centre judiciaire Gouin à Montréal ce jour-là avec une attitude triomphante, quatre mois après l'ouverture de leur procès devant juge et jury.

Le 23 octobre 2005, un jeune homme sans histoire de 25 ans, Raymond Ellis, se rend au bar afterhours Aria au centre-ville de Montréal avec deux amis. Ce soir-là, des membres et des relations du gang des Bleus sont dans le même bar pour commémorer l'assassinat d'un des leurs, tué par un Rouge un mois plus tôt. Tard dans la nuit, les Bleus ont faussement désigné Ellis comme le meurtrier de leur ami. Ils l'ont tabassé «à 50 contre 1» et l'ont poignardé à mort.

Dans ce procès, le témoin-vedette de la poursuite, Wilkerno Dragon, a décidé de ne plus collaborer avec la poursuite. Il aurait reçu en prison des menaces et de l'argent pour changer son témoignage, a appris la poursuite en cours de procès. Le procureur de la Couronne, Louis Bouthillier, a alors demandé une remise «pour se préparer» à la suite de l'interrogatoire. En fait, ce n'était pas «pour se préparer», mais pour envoyer deux policiers infiltrateurs en prison. Le but: soutirer des aveux à Dragon pour prouver qu'il a menti en cour. La juge Bourque a découvert le faux prétexte et a accusé la Couronne d'avoir menti à la Cour. La magistrate a aussi reproché à la Couronne d'avoir laissé introduire une preuve qu'elle savait à tout le moins douteuse, obtenue grâce à un informateur de police. Or, cette partie demeurera à jamais secrète pour protéger l'identité de cet informateur.

Dans cette affaire de meurtre, un adolescent a eu un procès séparé devant jury au tribunal de la jeunesse. En mars 2008, le jury l'a déclaré coupable de meurtre non prémédité.