Déjà condamnés deux fois pour fabrication et vente d'armes à feu sur le marché noir, l'armurier Charles-Michel Vézina, identifié à l'époque comme le fournisseur des Hells Angels, est de nouveau sous les verrous, soupçonné encore une fois d'avoir trempé dans le lucratif trafic d'armes prohibées à l'échelle nationale.

Concepteur des deux puissantes armes utilisées lors des deux attentats survenus en 2000 contre l'ancien syndicaliste et usurier André (Dédé) Desjardins et le journaliste Michel Auger, Vézina, 61 ans, a été appréhendé, hier, à sa nouvelle résidence de Beloeil, en même temps que sa femme, Huguette Cadorette, 41 ans, et un homme de 45 ans que le couple connaît, mais dont la police tait le nom pour l'instant.

Personnage de roman, et passionné d'armes, Vézina semblait à l'aise lors de sa comparution devant la juge Élizabeth Corte, de la Cour du Québec. Sa femme, sortie indemne des accusations portées contre elle en 2000, était au bord des larmes. Ils font tous deux face à diverses charges liées à la fabrication d'armes à feu. Ils reviendront devant le tribunal aujourd'hui pour leur enquête sur mise en liberté provisoire.

Le retour en taule de Vézina et de sa femme est l'aboutissement d'une enquête entamée en janvier dernier à la suite d'informations que la Sûreté du Québec a reçues des spécialistes américains du Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives (ATF). Ceux-ci auraient été mis sur la piste de Vézina par un détaillant du Vermont qui trouvait excessivement bizarre son obsession pour les armes à feu. Il semblait tout connaître autant sur leur fabrication que sur les règles en vigueur au Canada, aux États-Unis et en France.

Pour les policiers de la SQ, le nom de Vézina ne leur était pas inconnu puisqu'il a été arrêté à deux reprises depuis les années 90 pour avoir été l'un des gros fournisseurs d'armes sur le marché noir. En 2000, en pleine guerre des motards, il avait même avoué avoir fabriqué des armes pour le compte des Hells Angels.

Surnommé l'armurier des Hells, Vézina avait écopé de 63 mois de prison, à l'automne 2001. Il est sorti en libération conditionnelle trois ans plus tard, après avoir essuyé un refus, en avril 2003. Vézina, qui trempe dans le crime depuis plus de 40 ans, disait regretter ses gestes. «Je savais que les armes servaient à commettre des crimes. Je faisais preuve d'aveuglement volontaire. Tout ce qui m'importait, c'est l'argent», avait-il plaidé devant la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC).

Les enquêteurs pensaient que la prison -et surtout l'âge- aurait pu le décourager, mais il semble qu'il soit vite revenu à ses anciennes amours. Selon les informations obtenues, Vézina se disait un artisan qui fabriquait des lampes en forme de répliques d'armes à feu. D'où ses nombreuses visites aux États-Unis pour acheter plein de pièces, de munitions et pièces de tout acabit. Durant l'enquête, bien qu'ils vivent de prestations de l'aide sociale, Vézina et sa femme ont été interpellés à la frontière américaine en possession de 15 000$.

D'après les renseignements fournis par les enquêteurs américains, le couple aurait été de connivence avec d'autres individus criminalisés pour faire le trafic et l'exportation d'armes à feu. Fort de son expérience des années passées, il ne fabriquait plus les armes chez lui, mais dans des petits entrepôts loués. L'un d'eux était situé près de sa demeure de Beloeil et les trois autres, à Montréal et en périphérie.

Lors d'une vingtaine de perquisitions, les policiers de la SQ ont mis la main sur au moins trois armes en état de tirer. Ils ont aussi saisi plein de munitions, ainsi que des silencieux et des chargeurs de fabrication artisanale.