Emprisonné depuis 20 mois à la suite de la révocation de sa libération conditionnelle, Moreno Gallo, un des ténors de la mafia montréalaise, risque maintenant d'être expulsé en Italie parce qu'il a un casier judiciaire et qu'il a eu des «fréquentations douteuses continues». Son erreur: il n'a jamais demandé la citoyenneté canadienne, même s'il vit au Québec depuis 54 ans!

Originaire du petit village de Motta, en Calabre, Gallo, 63 ans, est arrivé au Canada avec ses parents en 1954, à l'âge de 8 ans. Il dit avoir eu une enfance tout ce qu'il y a de plus ordinaire - une mère attentionnée, un père vaillant et une éducation basée sur le respect et les valeurs familiales. À 15 ans, il a quitté l'école en sixième année du primaire. Il a d'abord travaillé dans une usine de couvre-plancher, puis à la compagnie Kraft, où il était chef d'équipe.

 

À l'en croire, tout s'est écroulé en 1973 quand il a assassiné un revendeur de drogue, près d'un bar du Vieux-Montréal. Il était en compagnie de Tony Vanelli, lui aussi devenu un influent mafioso. Parce qu'il a tiré les trois coups de feu mortels, Gallo a écopé de la prison à vie, tandis que Vanelli s'en est tiré avec sept ans de pénitencier. Pendant ses 10 ans en prison, il a eu une conduite irréprochable. Leader né, il a réglé plusieurs conflits entre détenus. Il a aussi participé à la création du programme Option-Vie, qui vient en aide aux détenus condamnés à une longue peine.

Malgré le temps passé, Gallo continue de dire qu'il s'en est pris au trafiquant parce que celui-ci vendait de la drogue dans la cour de l'école que fréquentait sa soeur, alors âgée de 16 ans. Dans les rapports de police cités hier, lors de son audience devant la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC), la police maintient qu'il s'agit d'un règlement de comptes commandité par la mafia, plus précisément le clan calabrais des Cotroni, alors en force à Montréal.

Après presque 25 ans de liberté, et sans autre condamnation, Gallo est de retour derrière les barreaux depuis avril 2007 en raison de ses «agissements douteux» durant la gigantesque enquête antimafia que la GRC et des corps de police alliés ont menée pendant cinq ans, de 2001 à 2006. Même s'il n'a pas été accusé - et il ne le sera pas, a assuré son agente de gestion de cas devant la CNLC -, le caïd italien a été vu, entre 2004 et 2006, pas moins de 72 fois au café Consenza, quartier général du clan sicilien. À plusieurs reprises, il a été filmé dans un petit local arrière, en grande discussion avec les pontes de la «famille» Rizzuto. Parfois, il y a eu aussi des échanges de liasses d'argent.

Sans apporter de preuve, les enquêteurs de Colisée soutiennent que le caïd calabrais venait porter aux Rizzuto une commission sur les activités criminelles des membres de son propre clan. Pour sa part, Gallo prétend qu'il venait payer progressivement une dette qu'«un certain Gennaro» avait contractée auprès du clan Rizzuto. «C'est mon plus grand défaut, j'ai toujours voulu tout régler, tout contrôler», a-t-il par ailleurs expliqué quand les commissaires l'ont interrogé quant à son intervention pour régler un conflit de territoire entre des membres des Hells Angels et de la mafia. Quant à l'importance qu'on lui donne dans le milieu interlope, Gallo soutient que c'est le fruit de l'imagination des policiers et des... livres.

Après l'avoir mitraillé de questions pendant près de trois heures, les trois commissaires ont décidé d'ajourner. Ils rendront une décision par écrit «dans les meilleurs délais». S'il est mis en liberté, Gallo sera immédiatement pris en charge par les agents d'immigration, qui veulent l'expulser en Italie, a souligné son agente de gestion de cas. Celle-ci recommande chaudement la mise en liberté du puissant mafioso calabrais.